Burundi: il existe "un risque" de génocide (émissaire américain)

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Après avoir imposé des sanctions sans précédent contre des dirigeants du Burundi, dont le numéro 2 du régime, Washington pourrait prendre d'autres mesures contre ce pays d'Afrique des Grands Lacs où plane un "risque" de génocide, prévient l'émissaire américain pour la région Thomas Perriello.

- QUESTION: Le président Barack Obama a imposé lundi des sanctions contre deux hauts responsables du pouvoir à Bujumbura et contre deux acteurs du coup d'Etat avorté en mai. Allez-vous en prendre de nouvelles et quelle est votre marge de manoeuvre contre les fauteurs de troubles ?

- REPONSE: "Il s'agit bien entendu d'un processus en cours. Nous continuons d'enquêter sur des individus qui jouent un rôle particulièrement significatif dans la déstabilisation du Burundi ou en contribuant à l'escalade de la violence ou de la répression. Nous avons voulu être très clairs: il y a des conséquences à la fois pour le gouvernement et contre ceux qui (ont tenté) de mener un coup d'Etat en mai. Nous allons continuer à regarder cela et je sais que l'Union européenne, qui a piloté le processus de sanctions, s'y penche aussi".

"Les sanctions (américaines) sont les dernières d'une série de mesures prises par les Etats-Unis, l'Union européenne, l'Union africaine, les Nations unies pour faire en sorte qu'il y ait des conséquences contre ceux qui commettent des actes de répression. Il y a eu ces derniers mois des coupes importantes dans l'aide non humanitaire ainsi que des sanctions contre des individus".

"(Mais) nous voulons que le processus de paix s'enclenche pour donner une chance au peuple burundais, qu'il ait la société ouverte et démocratique qu'il désire tant. Mais il y aura des conséquences pour ceux qui poussent dans une autre direction".

- Q: Le troisième mandat du président Pierre Nkurunziza est-il le seul facteur de crise ou est-ce bien plus profond au Burundi ?

- R: "C'est évidemment plus profond que cela. On assiste à une tendance de fond d'un Etat plus répressif et qui a davantage recours à la violence. Il est vrai que l'Union africaine a interpellé le président sur sa décision d'organiser l'élection (présidentielle en juillet) qui n'a pas rassemblé le plus grand monde et qui fut le principal catalyseur de la crise. Nous avons également condamné ceux qui ont tenté de fomenter un coup d'Etat, ce qui ne fut pas le meilleur moyen de régler les problèmes".

"Cela va bien plus loin que la question du troisième mandat (du président burundais) même si c'est évidemment le principal facteur de la crise. Mais nous assistons aussi, de manière plus large, à une fermeture de la scène politique, comme on le voit à côté (du Burundi), en République démocratique du Congo".

- Q: La Maison Blanche s'est alarmée de "propos incendiaires" du pouvoir burundais et d'un pays "au bord du précipice". Existe-t-il un risque de génocide?

R: "C'est bien sûr un risque mais ce n'est pas encore une réalité. Nous avons vu des signaux très dangereux envoyés par de hauts responsables gouvernementaux qui ont rendu ce conflit plus ethnique par nature. Mais il faut aussi que le gouvernement et d'autres sachent que le génocide n'est pas le seul grave crime international. La torture et les exécutions extrajudiciaires le sont aussi. Nous continuons donc à pister la rhétorique ethnique mais aussi d'autres crimes".

"Nous voulons tous évidemment nous rappeler la terrible tragédie au Rwanda (le génocide de 1994, Ndlr) mais aussi la terrible tragédie au Burundi: une guerre civile brutale (de 1993 à 2006, Ndlr) qui a duré sur plusieurs générations. Nous regardons la dynamique de la région mais aussi l'histoire particulière du Burundi et nous avons essayé d'être en amont de cette crise".

Propos recueillis par Nicolas REVISE. Cet entretien a été édité dans un but de concision et de clarté.