Un compromis kényan éteint la menace africaine d'un divorce avec la CPI

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Les nations africaines avaient suggéré la semaine passée un éventuel divorce avec la Cour pénale internationale: il n'en a finalement rien été après que le Kenya a obtenu jeudi soir une concession mineure concernant le procès de son vice-président William Ruto.

La vindicte africaine avait de fait marqué l'ouverture, le 18 novembre, de l'Assemblée des Etats parties à la CPI, conférence annuelle de neuf jours rassemblant les 123 pays ayant signé le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI.

"Il ne faut pas tester notre détermination", avait lancé le ministre éthiopien des Affaires étrangères Tedros Adhamon Ghebreyesus, s'exprimant au nom de l'Union africaine.

Les pays africains reprochent à la CPI de se concentrer sur l'Afrique, car les huit enquêtes actuellement ouvertes par la Cour concernent ce continent.

"Le continent pourrait n'avoir d'autre choix que de se réserver le droit de prendre les mesures qu'il estime nécessaires pour préserver et protéger sa stabilité, sa dignité, sa souveraineté et son intégrité", avait dit M. Ghebreyesus.

Le Kenya avait lui son propre agenda, menant activement campagne pour que soit réaffirmée une règle de la CPI importante dans le cadre du procès pour crimes contre l'humanité du vice-président Ruto.

Selon un amendement adopté en novembre 2013, la CPI peut utiliser des déclarations de témoins antérieures à leur rétractation. Cette disposition a été utilisée dans le procès de William Ruto, qui s'est ouvert en septembre 2013.

- L'affaire en appel -

Les Kényans, furieux que les juges aient autorisé l'utilisation de ces anciens témoignages, souhaitaient que soit réaffirmée la règle selon laquelle cet amendement ne peut pas être utilisé de manière rétroactive.

Au terme d'intenses négociations où Nairobi a brièvement brandi la menace d'un retrait de la Cour, les Kényans ont obtenu ce qu'ils voulaient, mais les experts ont soutenu que cette "victoire" était "mineure".

Ils soulignent en effet qu'il revient aux juges d'interpréter quand un usage d'anciens témoignages est "rétroactif" ou pas.

"La question de l'application de la règle dans les poursuites contre (...) Ruto est actuellement devant la chambre d'appel", a souligné Elizabeth Evenson, experte en justice internationale pour l'ONG Human Rights Watch.

Il revient donc aux juges, assurent les experts, de dire si William Ruto doit continuer à être poursuivi pour son rôle dans les violences post-électorales de 2007-2008, qui avaient fait quelque 1.200 morts.

Faute de preuves, évoquant des intimidations de témoins, la procureure Fatou Bensouda avait abandonné en décembre 2014 les poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta, ancien rival de M. Ruto, pour son rôle présumé dans les mêmes violences.

Selon Nairobi, les poursuites devant la CPI ne font que rouvrir d'anciennes blessures alors que le pays doit se concentrer sur d'autres problèmes, tels que la lutte contre les shebab somaliens.

Le compromis trouvé sur la règle de la CPI "n'est pas parfait, mais nous pouvons vivre avec", a déclaré à l'AFP Amina Mohammed, ministre kényane des Affaires étrangères.

Selon elle, le gouvernement kényan "n'a jamais menacé de se retirer de la CPI".

Quelques heures plus tôt, alors que les négociations avec l'Assemblée étaient encore en cours, son ministère avait pourtant dit sur Twitter que Mme Mohammed avait "indiqué que le Kenya n'aurait d'autre option que de réfléchir à un retrait au vu des circonstances".