Cette semaine, l’Afrique et les Africains ont montré que la justice internationale souvent décriée sur le continent pouvait être complémentaire de la justice nationale et souveraine.
Ainsi, la République centrafricaine a finalement choisi un procureur qui présidera la Cour Pénale Spéciale, un tribunal mixte fait de magistrats internationaux et centrafricains, première pierre d’un long processus de justice transitionnelle dans ce pays divisé et ravagé. Le Président Touadéra a retenu un juriste et militaire congolais Toussaint Muntazini Mukimapa (et auteur d’un article publié par JusticeInfo.net sur la complémentarité entre la Cour Pénale Internationale et le système juridique dans son pays). La nouvelle cour a pour mandat de mener des enquêtes et des poursuites concernant les graves violations des droits humains perpétrées en Centrafrique depuis 2003. Elle devrait entrer en fonction d’ici un an dans un contexte particulièrement violent. Toussaint Muntazini Mukimapa est magistrat militaire en RDC depuis la fin des années 1970.Il a contribué à un certain nombre de condamnations dans des dossiers de crimes internationaux, c'est-à-dire crimes de guerre ou crimes contre l'humanité, puisqu’en RDC ces cas étaient jusque récemment du ressort de la justice militaire. Il était aussi l’officier de liaison entre la CPI et la RDC.
Ephrem Rugiririza écrit ainsi dans JusticeInfo.net : « La tâche confiée au magistrat congolais n’est pas seulement immense. Elle est aussi difficile. Notamment parce que certaines personnes mises en cause par de nombreuses organisations internationales des droits de l’Homme, comme les anciens présidents Michel Djotodia et François Bozizé, aujourd’hui en exil, gardent des liens dans les plus hautes sphères du pays ».
Autre nouvelle positive venant d’Afrique : la Gambie d’Adama Barrow non seulement a choisi un magistrat irréprochable ancien du Tribunal International Pour le Rwanda (TPIR) Hassan Bubacar Jallow pour diriger la Cour suprême jusqu’ici inféodée au Président déchu Yayah Jammeh mais elle a aussi annulé la décision de se retirer de la Cour Pénale Internationale.
«Après vingt-deux ans d'injustice et d'abus de pouvoir, des compétences sont requises pour faire en sorte qu'on sente que la justice est rendue ainsi qu'en vue de la réconciliation pour donner une chance à la paix» », a déclaré le président Barrow, alors qu’il dirigeait la cérémonie de prestation de serment de Jallow le 15 février. «Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour faire en sorte que la justice soit conforme, aux attentes de la communauté aux normes internationales requises», a pour sa part promis le nouveau président de la Cour suprême.
Comme l’écrit JusticeInfo.net : « Jallow fait partie des personnalités ayant participé, à un très haut niveau, à l’édification de la justice pénale internationale. Une expérience qu’il a voulu, au terme de sa longue carrière internationale, mettre à la disposition de son continent ». Ou de l’influence positive de la justice internationale dans un cadre national.
Ces hirondelles ne font pas nécessairement le printemps mais ces signes même ténus montrent que la justice peut avoir un avenir en Afrique.
Ce retour de l’Afrique est aussi défendu au Soudan du Sud, un pays failli depuis sa récente indépendance, par le professeur Mahmood Mamdani à Columbia University et directeur du Makerere Institute of Social Research in Kampala (Uganda). Dans une interview à JusticeInfo.net et un op ed dans le New York Times, il propose que l’Union Africaine prenne la tête d’une « seconde transition » au Soudan du Sud après l’échec flagrant de la communauté internationale menée par l’ONU, la Norvège, le Royaume-Uni et les Etats-Unis dans ce pays. Le professeur Mamdani interrogé sur la validité de son idée radicale explique : « l’Union Africaine est divisée mais elle a tout intérêt à ce que cela marche ».