Martine Bangue, 34 ans, vit à Bria dans le centre de la République Centrafricaine, qui traverse depuis 2013 la plus grave crise de son histoire depuis son indépendance en 1960. Ancienne combattante de la coalition Séléka qui a chassé du pouvoir le président François Bozizé en mars 2013, elle a déposé les armes il y a 8 mois. En contrepartie, la Mission des Nations Unies en Centrafrique (MINUSCA) lui a proposé une formation professionnelle dans le cadre du processus pré-DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion). Elle a choisi son futur métier : celui de maçon……Portrait et interview réalisés par notre partenaire de la Fondation Hirondelle en RCA, Radio Ndeke Luka.
Vous êtes ex-combattante Séléka. Que faites-vous présentement à Bria ?
A Bria, en tant qu’ex combattante, je me suis engagée dans le processus de désarmement. Il y a plusieurs types d’activités : un groupe qui s’occupe de la fabrication des briques, un autre construit des fours, un troisième groupe fait de la maçonnerie
Depuis combien de temps êtes vous engagée dans ce processus ?
Aujourd’hui je totalise 8 mois. Ce qui me plait, c’est ce nouveau métier que nous apprenons. Après, c’est ce métier qui nous donnera notre pain quotidien. Je cite mon cas en exemple. Actuellement, je suis aide maçon ; demain je pourrais devenir maçon et cela me permettra de prendre en charge ma famille.
Les femmes sont -elles nombreuses à s’intéresser à la maçonnerie ?
Non ! Je ne crois pas. Aujourd’hui, notre effectif n’atteint pas dix. Les femmes s’y intéressent beaucoup moins.
Pourquoi avez-vous choisi ce métier ?
Je l’ai choisi parce que je voudrais être autonome, me prendre en charge. Aussi, parce que plusieurs maisons ont été détruites dans ce pays. C’est en travaillant que l’on peut soutenir les études de ses enfants.
Vous êtes ex combattante. Quelle comparaison faites-vous entre votre ancienne vie et celle d’aujourd’hui ?
Il y a une grande différence. Un grand changement. Aujourd’hui, je suis capable de gagner de l’argent moi-même. J’apprends un nouveau métier. Chaque deux semaines, je perçois 30 mille Fcfa dans le cadre de ce processus. Cette somme me permet de soutenir ma famille.
Que comptez-vous faire dans la vie après ce processus pré - DDR ?
On m’a déjà donné une orientation claire pour ma vie. Je vais m’efforcer dans ce domaine pour construire mon avenir. Je continuerai d’exercer mon activité de maçon. C’est le métier qui me tient à cœur. Si Dieu le veut, un jour, je repartirai à Bangui pour prouver de quoi je suis capable.
Si on vous demandait de reprendre les armes, quelle serait votre réaction ?
Non ! Je ne reprendrai plus les armes. Je demande à mes frères et sœurs de bien réfléchir avant de s’engager sur un terrain. Notre pays a trop souffert et nous sommes très en retard. Tous nos voisins sont en avance. Je dis à mes compatriotes, nous sommes tous Centrafricains. Arrêtons de régler nos différends avec les armes. Le dialogue est très important. Aimons-nous les uns les autres pour le développement de notre pays.
Comment êtes - vous vue aujourd’hui par vos anciens frères d’armes qui ne sont pas dans la même logique que vous ?
Nous n’avons plus la même vision, ni les mêmes pensées. Nous avons fait notre choix et eux aussi ont fait le leur. Mais je leur demande d’entendre la voix de la raison et d’abandonner les armes. Ceci pour le développement de notre pays.
Comment faites-vous pour suivre ici à Bria, les informations sur le pays ?
Nous suivons les infos sur la radio communautaire La Voix de Barangbaké. Personnellement, je suis très touchée par les infos de Radio Ndeke Luka. Je me sens beaucoup mieux quand je suis les émissions de cette radio sur la voix de Barangbaké.