Premier témoin du procureur, qui accuse Charles Taylor de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis pendant la guerre civile en Sierra Léone dans l’objectif de s’emparer de ses richesses diamantifères, Ian Smillie l'avait rencontré le 6 octobre 2000. Désigné, avec d'autres experts par les Nations unies pour enquêter sur les liens entre le trafic d’armes et les diamants, et qui avait abouti au vote d’une résolution interdisant le commerce de diamants en provenance du Libéria, il raconte : « J’avais demandé à Charles Taylor de m’expliquer comment il pouvait exporter tant de diamants depuis le Libéria vers la Belgique et il m’a répondu : ‘il est hautement probable que le RUF fasse des affaires avec les diamants et que certains soient passés par le Libéria, mais pas officiellement.’».
Pour le procureur, les rebelles du Front révolutionnaire uni (RUF) fournissaient des diamants à Taylor en échange d’armes et de munitions. Car dès le début de la guerre civile, en 1991, Freetown ne pouvait plus exporter ses diamants et passait donc par Monrovia. Mais sur la place d’Anvers en Belgique, où se vendait alors 90% du diamant, il arrivait plus de diamants que le seul Libéria ne peut en produire.
A l’époque, la provenance des diamants n’est pas clairement identifiée. Jusqu’à la mise en place du processus de Kimberley, en janvier 2003, à laquelle le témoin a participé, les acteurs de l’industrie du diamant entretenaient le flou sur la provenance des pierres précieuses. Si la défense de M. Taylor estime, dès lors, qu’il est impossible d’affirmer avec certitude qu’une énorme quantité de diamants provenait du Libéria, l’expert évoque ses enquêtes sur le trafic d’armes payées en milliers de carats. Les noms qu’il égraine à la Cour sont ceux de trafiquants notoires : le tadjik Victor Bout, l’ukrainien Léonid Minin, le kényan d’origine indienne, Sanjivan Ruprah, et Mohammed Jamil Derbah, suspecté par les Nations unies d’avoir des liens avec Al-Qaida et le Hezbollah, et qui était devenu « le pourvoyeur d’armes de Charles Taylor et revendait des diamants ».
Vainement la défense de Taylor a tenté de rejeter ce rapport ainsi que des vidéos montrant des victimes enrôlées de force par le Front révolutionnaire uni (RUF) pour travailler dans les mines. « Ce n’est pas un film d’Hollywood. Il vit sans ses mains, pour le reste de ses jours » a plaidé le procureur Nicholas Koumjiam, au sujet de l’un des protagonistes de la vidéo mutilé par les rebelles.
Déja avant le procès, la défense avait accusé le parquet de vouloir faire du sensationnalisme et estimé que l’audition des victimes d’une guerre à laquelle Charles Taylor n’était pas partie n'était pas justifiée.
Après la comparution de l’expert, le procureur a appelé son second témoin, Alex Temba Teh, un pasteur de la région minière de Kono. Le troisième témoin, attendu vendredi, est un « insider », il devrait témoigner de la présence de l’ex président en Sierra Léone pour fournir des armes aux rebelles. Le procès de Charles Taylor, qui avait débuté le 4 juin 2007 avait été ajourné pour sept mois, après que l’accusé en ai boycotté l’ouverture, demandant du temps et des moyens.
Ces premières journées d’audience ont fait oublier ce faux départ. L’affrontement entre le procureur et la défense promet d’être sévère et la fermeté de la présidente Julia Sebutinde laisse augurer un procès d’une grande rigueur.
SM/PB/GF