Au cours de la semaine qui s’achève, le magazine JusticeInfo.Net s’est penché sur les premiers pas de la justice gambienne face aux innombrables crimes graves commis sous le long règne de Yahya Jammeh, actuellement en exil. Pendant ce temps, au Mali, l’opinion pense que la mission, non-officielle , du nouveau gouvernement consiste, non pas à donner un coup de pouce au processus de paix et de réconciliation en panne, mais à préparer la réélection en 2018 du président Ibrahim Boubacar Keita et sa famille politique.
Le nouveau président gambien, Adama Barrow, qui a promis de faire de son mandat une transition de trois ans, n’a pas de temps à perdre. Trois mois après sa mise en place, son gouvernement a déjà ouvert une série d’enquête sur les crimes perpétrés au cours des 22 ans de règne de Yahya Jammeh. Notamment les disparitions forcées. Et les premiers résultats sont encourageants, en dépit de réelles difficultés.
« A ce jour, écrit Maxime Domegni, correspondant de JusticeInfo en Afrique de l’Ouest, grâce à des informations communiquées par les premiers suspects interpellés, plusieurs corps ont déjà été ainsi retrouvés, dont celui de l’opposant et leader du Parti démocratique unifié (UDP), Solo Sandeng ». Alors qu’il participait, en avril 2016, à une manifestation publique pour réclamer des réformes politiques, Solo Sandeng avait été arrêté en compagnie d’autres manifestants, avant que sa mort en détention ne soit annoncée quelques jours plus tard. « Sa mort est considérée comme l’un des derniers crimes de sang du régime de Yahya Jammeh qui a davantage dopé les opposants et ému l’opinion internationale », rappelle Maxime Domegni.
Mais cette légitime quête de justice ne va pas sans difficultés, dans une Gambie, certes nouvelle, mais où des employés acquis à l’ancien régime restent encore en poste aussi bien dans l’administration que dans le secteur judiciaire. « Le seul cas des difficultés que pose le procès des ex-agents de renseignements qui seraient impliqués dans la mort de l’opposant Solo Sandeng montre à suffisance l’état du système judiciaire actuel du pays, poursuit Maxime Domegni. Les six juges (dont quatre Nigérians) de la Haute Cour de justice sont les mêmes qui répondaient au doigt et à l’œil de Yahya Jammeh. Ils ont été maintenus en dépit de l’opposition véhémente du barreau ».
Fatoumatta Jawara, une ancienne opposante sortie des geôles de Jammeh, après l’entrée en fonction d’Adama Barrow, prône l’abrogation des mauvaises lois héritées de l’ancien régime, mais récuse toute forme de vengeance. « Je pense vraiment que si on veut se venger, on va faire reculer le pays. Mais on ne les laissera pas introduire des lois qui ramèneront ce pays en arrière, on les en empêchera », prévient cette femme élue députée au lendemain de sa libération.
Ce pragmatisme adopté à Banjul ne semble partagé à Bamako. En effet, ceux qui s’attendaient à un gouvernement de large ouverture, après la Conférence d’entente nationale tenue fin mars-début avril, sont déçus. La nouvelle équipe ministérielle, dont la composition a été rendue publique le 11 avril, ne comprend pas de représentants des groupes armés signataires, avec le gouvernement, de « l’Accord d’Alger pour la paix et la réconciliation au Mali. Cet accord signé en mai - juin 2015 et est censé ramener la paix dans le Nord du pays. Mais, deux ans après, la mise en ouvre de l’accord se heurte toujours à la suspicion et au manque de confiance entre les mouvements progouvernementaux regroupés au sein de la « Plateforme » et la Coordination des mouvements de l’Awazad (CMA), une coalition de groupes rebelles à dominante touareg . « Après la Conférence d'entente nationale, on s'attendait à un gouvernement qui allait être résolument engagé pour faire face aux défis. Le président a dit que tout le monde était dans le train, mais ce qu'on constate est que la CMA et la Plateforme sont descendues à la plus prochaine gare qu'elles ont trouvée », réagit le chef de file de l’opposition malienne, Soumaila Cissé, interrogé par Studio Tamani, notre partenaire de la Fondation Hirondelle à Bamako. Pour Soumaila Cissé, l’absence de représentants de ces groupes armés dans la nouvelle équipe ministérielle « est manifestement un échec » et prouve que le nouveau gouvernement n’a qu’un mandat de campagne pour les élections de 2018.
De l’autre côté de l’Afrique, JusticeInfo a scruté la situation en Tanzanie, qui, naguère, faisait figure de havre de paix et de stabilité, aux portes de voisins en perpétuelles turbulences. Selon les activistes locaux, le constat qui s’impose aujourd’hui, un an après l’élection du président John Magufuli, est celui d’un dirigeant de plus en plus autocratique. Attaques contre les médias, enlèvements de musiciens ou d’hommes politiques, le nouveau régime paraîtrait déterminé à faire taire, à tout prix, toute critique. Le droit d’opinion et d’expression est de plus en plus en danger en Tanzanie, affirment ces activistes.