Des négociations sans précédent sous l'égide de l'ONU entre le gouvernement centrafricain et l'ensemble des groupes armés du pays ont eu lieu en fin de semaine à Bangui en vue d'accélérer le désarmement de ces milices, responsables de nombreuses exactions.
Pour la première fois dans le programme de Désarmement démobilisation réinsertion (DDR), le gouvernement s'est assis à la même table que l'ensemble des groupes armés dans ce pays, l'un des plus pauvres du monde et qui connaît, selon l'ONU, une "recrudescence de la violence" depuis septembre 2016.
Le "DDR" est invoqué sans relâche par le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra depuis son arrivée au pouvoir en mars 2016 à la tête d'un pays qui peine à se relever du conflit provoqué en 2013 par le renversement de l'ex-président François Bozizé par la rébellion Séléka, à dominante musulmane.
La contre-offensive des miliciens anti-Balaka, majoritairement chrétiens, a provoqué des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés.
L'intervention de la France et de l'ONU a permis d'endiguer des massacres de masse. Un nouveau président a été élu en mars 2016. La capitale Bangui a retrouvé un calme relatif, mais des groupes armés maintiennent une insécurité permanente dans plusieurs régions.
"Les avancées générales sont assez importantes (...) le plan national de DDR a été rédigé avec les détails des étapes de la mise en oeuvre du projet", a commenté samedi Jean-Marc Tafani, chef du programme DDR de la Mission des Nations unies pour la Centrafrique (Minusca), à propos de cette rencontre qui a eu lieu jeudi et vendredi avec des représentants de 14 groupes armés.
"La prochaine réunion du Comité consultatif de suivi du DDR aura lieu du 25 au 27 mai", a-t-il précisé, joint par l'AFP depuis Libreville.
Le "DDR" est désormais financé et chiffré: 45 millions de dollars, débloqués par la Banque mondiale, l'ONU et le gouvernement centrafricain, doivent permettre le désarmement des combattants et la réinsertion de 5.000 d'entre eux dans la vie civile et - pour une minorité - dans les forces armées.
Répondant à des craintes d'organisations internationales sur une possible impunité pour les ex-combattants, M. Tafani a indiqué que "les personnes soupçonnées de crimes divers seront soumises à la justice" et "écartées du programme de DDR". "Pendant la réunion, certains groupes se sont exprimés contre ce processus", a-t-il cependant noté.
Outre le DDR, la Centrafrique mise sur une Cour pénale spéciale (CPS) pour tenter de conforter le retour à la paix. Cette CPS se présente comme une juridiction mixte avec des magistrats centrafricains et étrangers. Elle doit prochainement commencer ses travaux pour juger tous les crimes contre l'humanité depuis 2003.
- Des négociations difficiles -
Le président Touadéra se félicite régulièrement d'avoir déjà rallié onze des quatorze groupes armés recensés en Centrafrique au processus du "DDR".
Venu pour la première fois à une réunion DDR, le Front populaire pour la renaissance de Centrafrique (FPRC), faction de l'ex-rébellion de la Séléka dirigée par Noureddine Adam, a posé plusieurs conditions, a indiqué M. Tafani.
Le FPRC veut notamment "un accord politique qui prévoit leur participation dans le gouvernement", "plus de programmes de développement dans leurs régions du nord", ou la mise en place de "forces mixtes musulmanes et chrétiennes", selon M. Tafani.
L'autorité de l'Etat peine à s'étendre au-delà de Bangui et la Minusca (12.500 hommes), qui sécurise en priorité les grandes villes, n'a rien pu faire pour éviter la mort il y a un mois de plusieurs dizaines de personnes - selon des témoins -, victimes de bandes armées dans la région de Bambari (centre), deuxième ville du pays.
Pays à l'histoire mouvementé depuis son indépendance en 1960, la Centrafrique a connu dans le passé plusieurs processus de désarmement.
"Il est compliqué (pour les groupes armés, ndlr) d'abandonner certaines ressources très importantes pour passer dans un métier normal", explique M. Tafani, allusion à l'enjeu du contrôle des richesses (or, diamant, commerce du bétail...).
"Le DDR ne va pas résoudre tous les problèmes de la Centrafrique (...), il faut être modeste et réaliste", relève auprès de l'AFP le représentant de la Banque mondiale en Centrafrique, Jean-Christophe Carret, qui estime que "c'est le développement qui va empêcher les crises". La Centrafrique est classée 188e et dernière à l'Indice du développement humain (IDH).
"Il est important que l'on continue de maintenir la République centrafricaine dans l'agenda de la communauté internationale, surtout sur les questions humanitaires", avait souligné fin mars M. Touadéra.