La confirmation de la condamnation à la prison à vie du dirigeant tchadien Hissène Habré pour crimes contre l’humanité par les Chambres Africaines Exceptionnelles (CAE) jeudi 27 avril constitue l’événement majeur de la semaine de la justice transitionnelle.
Ce verdict qui confirme définitivement une première décision de ce tribunal africain installé à Dakar par l’Union Africaine a été salué par les défenseurs des droits de l’homme et de la justice en Afrique comme dans le reste du monde.
Cette condamnation bien que tardive (plus de 30 ans après la commission des crimes) donne raison à la persistance et à la résolution des victimes tchadiennes du dictateur qui aidées par des ONG, notamment Human Rights Watch et son conseiller juridique, Reed Brody ont eu raison de tous les obstacles. Elle valide le principe de la compétence universelle appliquée pour la première fois en Afrique, par des Africains à un chef d’Etat africain. Dans une interview à JusticeInfo.net, Philip Grant, dirigeant de Trial International explique ainsi : « c’est un signal très fort donné à d’autres potentats - on peut penser par exemple aujourd’hui à l’ancien dictateur gambien Yahya Jammeh - que justice peut être rendue même à l’encontre d’anciens chefs d'Etat. »
Ce bon connaisseur de la justice pénale internationale ajoute : « Quasi par définition, la justice internationale laisse toujours un goût d’inachevé. Mais ne boudons pas notre plaisir aujourd’hui. C’est en construisant patiemment un système international qui saura apporter des réponses concrètes à des crimes tels que ceux commis au Tchad que l’on pourra, demain, juger les Déby (ndlr: Idriss Déby, l’actuel président du Tchad), les Bush, les Jammeh du futur ».
Ces limites sont encore plus conséquentes les Chambres spéciales pour le Kosovo, créées par l’Union européenne et qui ont toutes les difficultés à se mettre en place. Ainsi, Pierre Hazan, conseiller éditorial de JusticeInfo.net, explique : « là où les Chambres africaines extraordinaires ont bénéficié du soutien d’une large partie de la société tchadienne ainsi de la légitimité et de l’absolue coopération des victimes, les Chambres spéciales du Kosovo ne bénéficient que très modérément de la coopération des Etats européens qui les ont pourtant créées ». Et de conclure, l’Union Africaine avec les CAE dame le pion à l’Union européenne et ses Chambres Spéciales pour le Kosovo.
Le Maroc montre aussi comment les processus de justice transitionnelle et de réconciliation peuvent être handicapés par les pouvoirs en place. Dans une interview éclairante à JusticeInfo.net, l’anthropologue Zakaria Rhani explique : « la réconciliation au Maroc s’inscrit dans une continuité du type de pouvoir en place. C’est un changement dans la continuité. Il n’y a pas eu rupture du régime chez nous. Contrairement à la Tunisie où le processus de justice transitionnelle se déroule après les profonds bouleversements politiques ».
D’où, des processus de justice limités, encadrés qui ont laissé les victimes des années de plomb frustrées et déçues.
En d’autres termes, pour qu’il y ait justice transitionnelle, il faut qu’il y ait transition.