La Centrafrique a une nouvelle fois dominé la semaine de la justice transitionnelle. Avec en exergue, un débat récurrent, « l’impunité » à octroyer aux acteurs des conflits qui divisent ce pays. Au nom de la paix et de la réconciliation. Mais, au détriment de la justice.
Une question d’autant plus aigue que la RCA divisée et toujours en guerre sur des pans entiers de son territoire a célébré cette semaine le deuxième anniversaire du Forum National de Bangui dont le but à l’époque était, déjà, la réconciliation nationale. Le Président Touadéra élu il y a un an a commencé à mettre sur pied la Cour Pénale Spéciale, un tribunal mixte à la fois centrafricain et international destiné à juger les innombrables crimes de guerre et contre l’humanité commis. Les premiers juges ont été nommés mais des doutes demeurent sur la mission de cette Cour d’autant que certains pays d’Afrique notamment le Tchad plaident ouvertement pour une amnistie. Les défenseurs des droits de l’homme centrafricains accusent même l’Union Africaine de tenir un discours double sur l’impunité et d’agir en secret pour une amnistie des criminels de guerre présumés.
Pour Joseph Bindoumi, président du Comité de suivi du Forum de Bangui, invité de notre partenaire de la Fondation Hirondelle, Radio Ndeke Luka, « l’impunité devait être zéro en République centrafricaine », rappelant que « c’est l’impunité qui encourage la violence .
« Même préoccupation de la part de l’organisation Amnesty International, qui vient de lancer ce 11 mai, en partenariat avec des ONG de Centrafrique, une campagne baptisée « La justice maintenant : pour une paix durable en République centrafricaine », écrit JusticeInfo.net « Les organisations de la société civile se regroupent afin de veiller à ce que les autorités de la RCA ne sous-estiment pas l'ampleur des souffrances et du désespoir que des milliers et des milliers de victimes ont endurées pendant ce conflit », a déclaré Olivia Tchamba, chargée de campagne sur l'Afrique centrale à Amnesty International.
Tunisie et la corruption
En Tunisie, c’est ce même combat contre l’impunité que mène Manich Msamah (Je ne pardonnerai pas), un collectif de jeunes très actifs dans les rues et sur les réseaux sociaux, explique la correspondante de JusticeInfo.net Olfa Belhassine. Manich Msamah s’oppose à la loi sur la réconciliation économique et financière que veut faire passer le Président de République. Il s’agit d’amnistier les crimes économiques commis au temps du régime de Ben Ali renversé en 2012, au nom de l’efficacité économique et une manière de réintégrer les caciques de l’ancien régime de Ben Ali. Comme l’affirme, une des manifestantes de Tunis, à notre correspondante : « En amnistiant les corrompus du temps de Ben Ali, le projet de loi donnera un blanc-seing aux corrompus d’aujourd’hui, qui se multiplient à vue d’œil ». Pour les activistes de Manich Msamah, , « "C’est la justice transitionnelle qu’on enterre. C’est la révolution qu’on assassine".
Cette même préoccupation se pose aussi en Gambie qui vient de chasser son dictateur Yahah Jammeh après plus de vingt ans d’abus et de kleptocratie. Depuis l'avènement du nouveau président Barrow, des victimes et familles de victimes pressent la justice pour arrêter, inculper, juger et condamner les présumés bourreaux et tortionnaires. Mais, comme en RCA, le système judiciaire est exsangue. Même des défenseurs des droits de l’homme, comme Reed Brody, mettent en garde contre toute précipitation Dans son état actuel, "le système judiciaire gambien ne semble pas prêt pour des procès importants", constate le juriste américain qui a travaillé 18 ans avec les victimes du régime de l'ex-président tchadien Hissène Habré. "Il ne suffit pas d'avoir des victimes. On doit avoir des gens qui puissent prouver la responsabilité individuelle d'un supérieur, ajoute Brody, qui s'est récemment rendu en Gambie en compagnies de victimes tchadiennes. Mais, cet attentisme ne semble pas convaincre les victimes gambiennes, qui réclament justice. Une des victimes citée par l’AFP dont le frère a été tué par les séides de l’ancien régime et enterré dans une fosse commune, le dit ainsi : "si la justice est retardée, la douleur est toujours là".