La Tunisie reste aux avant-postes de la justice transitionnelle. Version transparence financière cette semaine. Youssef Chahed, le Président du gouvernement, l’équivalent du Premier ministre a arrêté des responsables présumés de la contrebande et de la corruption.
Quelques uns de ces hommes, dont parle le rapport « La transition bloquée » de l'International Crisis Group analysé dans JusticeInfo.net. Les Tunisiens habitués à l’impunité de leurs politiciens et de leurs clans n'en croient pas leurs oreilles, explique Olfa Belhassine, la correspondante de JusticeInfo.net à Tunis. L’enjeu n’est pas seulement le passé mais aussi le présent. D’après l’ICG, en Tunisie, tous les secteurs vitaux sont gangrénés par la corruption et notamment le ministère de l’Intérieur, les douanes et la justice. L’ONG basée à Bruxelles met ainsi en cause « 300 hommes de l’ombre qui tirent les ficelles en coulisse pour défendre leurs intérêts ».
Notre correspondante, explique : « ces hommes empêchent toute réforme. En fait, tant les opérateurs économiques du Sahel (région côtière de l’Est du pays), établis depuis des décennies, que les nouveaux entrepreneurs des régions intérieures, les barons de l’informel, qui ont prospéré après la révolution en partie grâce au trafic de change parallèle et à la contrebande avec la Libye et l’Algérie, financent les partis politiques et se livrent une guerre sans merci. Notamment en cherchant à s’accaparer les postes clés de l’administration par lesquels passent les crédits bancaires et le contrôle de l’économie formelle et contribuant ainsi à « briser la chaine de commandement au sein des départements ministériels ».
Parmi les motifs qui ont poussé Youssef Chahed à lancer cette opération mains propres, l'audition publique vendredi dernier de l'un des neveux de Leila Trabelsi, l'ex première dame, un des rois de la contrebande au temps de Ben Ali. Dans ses aveux, il a évoqué sans les nommer ses complices mais tout le monde les a identifiés ; certaines de ces personnalités qui ont été arrêtées. Le débat se poursuit dans le pays avec le Président lui-même qui veut imposer au contraire une loi dite de « réconciliation nationale » absolvant les corrompus du régime précédent et qui a donné lieu à des manifestations de protestation. Ce projet de loi doit aussi priver l'Instance Vérité et Dignité de l'essentiel de ses prérogatives dans le domaine de la corruption. Depuis les arrestations, les sondages disent les Tunisiens plus optimistes sur l’avenir de leur pays malmené.
Plaidoyer pour la justice en RDC
À signaler aussi, en République Démocratique du Congo, la démarche d’une trentaine d’organisations de la société civile plaidant pour la mise en place d’un système de justice transitionnelle afin de mettre fin à la culture de l’impunité. Pour cette coalition d’ONG, les crises récurrentes que traverse la RDC depuis l’indépendance en 1960 sont la conséquence de l’échec du traitement du passé et de l’absence de mesures de réparation pour les victimes.
En Centrafrique aussi, en proie à une nouvelle flambée de violences qui a visé la population mais aussi les Casques Bleus, l’impunité continue de régner, comme l’analyse Thierry Vircoulon. L’auteur explique : « Pour l’heure, on ne voit ni sortie de crise proche ni solution durable pour la crise centrafricaine. Tant qu’il n’y aura pas de forte pression sur le gouvernement et les groupes armés et que le Conseil de sécurité continuera d’opter pour l’impuissance volontaire tout en se donnant la bonne conscience de faire quelque chose, la Centrafrique subira un conflit de basse intensité avec des pics de violence tous les quatre ou cinq mois ; en deux ans, le temps a fait son œuvre : les groupes armés ont consolidé leur base économique ».
Et de conclure, « Au fur et à mesure que les dirigeants vidaient le Trésor public et que les bailleurs lassés se retiraient sur la pointe des pieds, la Centrafrique est devenue un État fantôme ».