La Centrafrique a une nouvelle fois dominé la semaine de la justice transitionnelle. L’ONU a rendu public un rapport accablant sur les violations des droits de l’homme dans ce pays tandis que le procureur de la Cour Pénale Spéciale (CPS), un juriste militaire congolais effectuait son premier déplacement à Bangui afin de préparer sa mission.
À lire le rapport de l’ONU, la tâche s’annonce immense pour le colonel Toussaint Muntazini Mukimapa.
Le document de l’ONU documente avec précision 620 cas de violations graves des droits de l’homme commises sur le territoire centrafricain de 2003 à 2015 : violences sexuelles, actes de tortures dans les centre de détention, exécutions extrajudiciaires, violences à caractère ethnique ou religieux, enrôlement d’enfants soldats, attaques contre les humanitaires et les Casques bleus,…
Les Nations Unies concluent que la grande majorité des cas répertoriés constituent des violations graves qui pourraient constituer des crimes de guerre et/ou des crimes contre l’humanité dont passibles de la justice internationale soit la Cour Pénale soit la Cour spéciale chargée de juger à Bangui au plus près des communautés victimes.
Devant l’abondance de ces crimes, l’ONU recommande à la Cour spéciale de bien cibler ses poursuites. L’adoption de cette stratégie se justifie par « le nombre élevé et la nature particulière des crimes commis depuis le 1er janvier 2003, qui requièrent une sélection attentive des événements, affaires, et infractions spécifiques devant faire l’objet d’enquêtes et de poursuites ». La mise en place d’une stratégie publique permettra par ailleurs au procureur de faire face à des pressions auxquelles il faut s’attendre notamment de la part de groupes politiques, religieux ou ethniques.
L’ONU recommande notamment de bien cibler les crimes contre les femmes et les enfants ou contre d’autres groupes particulièrement vulnérables ainsi que les crimes basées sur les appartenances religieuses des victimes.
Le magistrat nommé procureur de la Cour Pénale Spéciale se dit conscient des enjeux : « « Je crois qu’il y a une volonté très forte du peuple centrafricain de ne pas pardonner les crimes graves qui ont été commis. Cette volonté a été exprimée lors du forum national (ndlr : qui s’est tenu à Bangui en mai 2015). Elle a été exprimée avec la publication et la promulgation de la loi créant la CPS », a déclaré le magistrat militaire congolais, cité par Radio Ndeke Luka.
Le colonel-magistrat a par ailleurs reconnu qu’il allait commencer son travail dans un contexte sécuritaire particulièrement difficile. Une éruption récente de violences a fait des dizaines de morts dans le pays dont plusieurs casques bleus spécifiquement visés. « Les défis sécuritaires peuvent compromettre les enquêtes. Mais nous sommes là pour les affronter », a-t-il indiqué. Sans entrer dans le détail, il a ajouté qu’il disposait de stratégies pour enquêter sur les « seigneurs de guerre (qui) continuent à commettre des crimes impardonnables ».
À craindre néanmoins que ces engagements se cognent sur la réalité du terrain dans un pays sans armée et sans police. Enfin, experts et organisations des droits de l’homme critiquent les ambiguïtés et compromissions du pouvoir très liés à ces « seigneurs de la guerre » et aux profits qui les entretiennent.
La Tunisie et ses ombres
À l’autre bout du continent, la Tunisie essaie vaillamment de maintenir son engagement pour la justice transitionnelle mobilisant même ses artistes et photographes.
Olfa Belhassine écrit : « Pour sensibiliser les jeunes tunisiens au thème de la marginalisation, le Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ) en partenariat avec le British Council ont lancé un projet photographique destiné aux 15-25 ans. Le résultat : une exposition d’images à la fois poignantes et attachantes intitulée « Marginalisation : images d’une invisible répression » »
Les jeunes photographes ont reçu un enseignement théorique sur l’art et les techniques de la photo, et ensuite, sur les bases de la justice transitionnelle et notamment le concept de la « marginalisation.
L’exposition est programmée pour tourner, à travers le pays, dans plusieurs centres culturels et universités. Elle sera le prétexte de débats avec les jeunes sur des questions en rapport avec l’exclusion, l’injustice sociale, la justice transitionnelle et la transmission mémorielle de l’histoire de la dissidence en Tunisie.