Des scènes désormais banales presque partout en Guinée. Des présumés voleurs battus à mort ou brûlés vifs par une foule déchainée. La justice populaire devient de plus en plus une règle. Selon les acteurs de la vie politique et sociale en Guinée l’impunité et le manque de confiance de la population aux instances judiciaires sont les principales causes de la vindicte populaire.
Le dernier cas d’une très longue série date du 30 mai dernier. Un jeune homme âgé d’une vingtaine d’années, roué de coups en pleine rue, puis brulé vif. La scène s’est passée s à Lambagni, un quartier de la haute banlieue de Conakry. Il était accusé de vol.
En région également, nombreux sont les cas de vindicte populaire. Les lynchages publics d’individus au cours des deux dernières années enregistrés à Kouroussa, Kissidougou, Kankan, Siguiri, sont encore dans la mémoire collective des guinéens. Certains sur la base d’une simple rumeur. Le Ministre de la Justice Cheik Sacko s’en était ému et avait annoncé l’ouverture des enquêtes pour arrêter et juger les coupables des vendettas populaires. Plus récemment en Janvier 2017, dans un discours à la nation, le président Alpha Condé menaçait encore les adeptes de la vendetta collective : ‘’Désormais, nous n’allons plus accepter que les gens se rendent justice. Quiconque brûle un voleur, nous allons l’emprisonner’’.
Mais jusque-là aucune enquête n’a abouti à des arrestations. Résultat les populations récidivent. On a même vu des forces de l’ordre assister sans réagir au lynchage de présumés malfaiteurs. Le cas de Lambagni en est une illustration. L’acte s’est passé à quelques mètres d’un poste de police.
Justice populaire
Les raisons de ce déchainement collectif sont connues de tous. Les guinéens expriment ainsi leur ras-le bol. Ils sont mécontents de la montée de l’insécurité et ont acquis la conviction qu’ils ne peuvent compter sur les autorités judiciaires et sécuritaires du pays pour assurer leur protection et celle de leurs biens. L’opinion la plus répandue est que la corruption et l’’impunité entravent la justice dans le pays avec pour conséquence que les accusés ne sont souvent pas condamnés à la hauteur de leur forfaiture. Donc, à quoi bon faire appel à la justice. Du poste de police au tribunal, que de magouilles !
Une étude d’Afrobaromètre publiée en 2015 indique presque sans surprise que c’est la corruption qui gangrène les secteurs de la police et du système judiciaire en Guinée. Ils sont sujets à des problèmes structurels qui les empêchent de dispenser aux citoyens une assistance efficace. Les abus de pouvoir et violences physiques font partie des méthodes policières en usage. La justice, connue pour ses lenteurs faute de moyens et d’indépendance, manque aussi par conséquent de légitimité aux yeux de la population. La corruption est un problème majeur qui affecte les deux institutions, suggérant que les riches sont au-dessus des lois. Dans ce contexte, la plupart des conflits entre citoyens ordinaires se résolvent sans recours aux instances judiciaires, même si le droit coutumier n’a aucun statut officiel dans le pays.
Dans ces conditions également, la justice populaire, c’est le cas de le dire, a encore hélas, de beaux jours devant elle.