L'accord de cessez-le-feu immédiat en Centrafrique signé lundi à Rome par les groupes armés et le gouvernement aura duré moins de 24 heures. Dès mardi matin, de violents combats entre milices ont fait une centaine de morts à Bria (centre).
"On dénombre une centaine de morts, la population de Bria est effrayée, elle est dans la psychose. La situation humanitaire est alarmante", a expliqué mercredi par téléphone l'abbé Gildas, de la paroisse Saint-Louis de Bria à l'AFP, confirmant un chiffre communiqué à l'AFP par le maire, Maurice Belikoussou.
Ces affrontements surviennent alors que 13 groupes rebelles ont signé lundi à Rome un accord prévoyant un cessez-le-feu immédiat, sous le parrainage de la communauté catholique Sant'Egidio.
Mais celui-ci a été signé dans un contexte sécuritaire compliqué, avec le retour des violences depuis novembre, entrainant des centaines de morts dans le centre du pays en mai (Bria, Bangassou, Alindao) dans des régions aux richesses minières très convoitées (or, diamants...).
"Nous savons que beaucoup reste à faire", avait communiqué mardi le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en Centrafrique, Parfait Onanga-Anyanga, appelant à l'entrée en vigueur du cessez-le-feu.
"La crise centrafricaine ne manque pas d'accords de paix, mais de forces pour les faire respecter", avait pour sa part commenté lundi à l'AFP Thierry Vircoulon, chercheur de l'Institut français des relations internationales (Ifri).
La force armée de la Mission des Nations unies (Minusca), présente de façon permanente à Bria, "est intervenue" mardi matin et a "sécurisé le camp de déplacés mais aussi du côté de l'hôpital", a précisé mercredi son porte-parole Vladimir Monteiro.
Les tensions étaient encore présentes mercredi à Bria selon des sources concordantes sur place, et, mardi, des tirs ont été entendus à Bangassou et Alindao (centre) selon des ONG.
"S'il existait un prix Nobel pour les accords de paix sans lendemain, la Centrafrique le gagnerait à coup sûr", a ironisé mardi par téléphone Djamil Babanani, un porte-parole du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), l'un des principaux groupes armés pro-musulmans du pays.
Critiquant les "pressions internationales" autour de la signature de l'accord, il a néanmoins précisé que le FPRC ne se retirerait pas de celui-ci.
- Luttes internes -
Aux alentours de 6 heures mardi, les affrontements meurtriers dans Bria, ville stratégique pour le contrôle des ressources minières, ont opposé différents membres du FPRC.
"Il y a un +petit+ désaccord entre les leaders du FPRC, c'est une question de pouvoir, chacun veut asseoir sa puissance", explique un membre influent de ce groupe armés.
Les combats de Bria auraient eu lieu entre des miliciens FPRC, proches pour les uns de la milice pro-chrétienne des anti-Balaka, et pour les autres de la branche musulmane du mouvement, emmenée par Abdoulaye Hissène.
Ancré depuis 2013 dans l'opposition entre l'ex rébellion Séléka (prétendant défendre les musulmans) et les anti-Balaka (chrétiens, animistes), le conflit entre groupes armés en Centrafrique évolue.
Une coalition créée en février regroupant le FPRC de Nourredine Adam, des anti-Balaka, le Renouveau de la Centrafrique (RPRC) et une partie du Mouvement Patriotique pour la Centrafrique (MPC) d'Al-Khatim, combat aujourd'hui une autre faction du MPC.
"Les alliances et coalitions sont faites pour renforcer leur pouvoir de négociation sur des enjeux collectifs, comme l'amnistie. Dès que les intérêts communs disparaissent, ils sont de nouveau prêt à s'entre-tuer", explique Nathalia Dukhan, spécialiste de la Centrafrique à Enough Project.
"L'arrivée de la Cour Pénale Spéciale (CPS) n'est pas anodine dans le regain de violences, tout le monde veut être bien placé", analyse Florent Geel, de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme (FIDH).
La CPS, qui n'est pas encore opérationnelle mais s'est installée fin mai à Bangui, doit instruire et juger les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre commis en Centrafrique depuis 2003.
En mai, l'ONU avait publié un rapport recensant douze ans de crimes parmi "les plus abominables" commis par l'armée ou des groupes armés en Centrafrique entre 2003 et 2015.
"14 préfectures sur les 16 que compte la République centrafricaine se trouvent sous l'occupation des groupes armés", déplorait récemment l'ambassadeur centrafricain à l'ONU, Léopold Ismael Samba, estimant que "tout effort du gouvernement tendant à déployer l'administration dans l'arrière-pays est aliéné".
La Centrafrique a basculé dans les massacres de masse en 2013 avec le renversement du président Bozizé par l'ex-Séléka, entraînant une contre-offensive des anti-Balaka.