De plus en plus conforté dans son intransigeance par une communauté internationale qui parle plus qu’elle n’agit, le régime burundais de Pierre Nkurunziza se radicalise chaque jour davantage. Dans un rapport intitulé « le Burundi au bord du gouffre : retour sur deux années de terreur », la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) appelle l’Union africaine et les Nations unies à « reprendre la main » pour relancer le dialogue et assurer la protection des civils dans ce petit pays africain qui traverse une profonde crise politique depuis 2015.
« Le régime burundais est en train de s’ériger en dictature et de mener une campagne d’élimination d’une partie de la population considérée comme opposée à son projet autoritaire », dénonce ce rapport publié mardi 4 juillet 2017 par la FIDH et la Ligue burundaise Iteka .Selon les deux Ong, « cette répression s’est à nouveau durcie au tournant des années 2016 et 2017 dans le but de garantir le maintien au pouvoir du président et de commencer à lui dégager le chemin pour l’élection présidentielle de 2020 ».
Au nombre des signes manifestes de cette radicalisation, le rapport mentionne l’épuration accrue de l’armée avec le risque de constituer une armée mono-ethnique hutue, la militarisation de la milice Imbonerakure, la répression visant les Forces nationales de libération (FNL), principal parti de l’opposition, et le projet de modification de la constitution pour abolir la limitation des mandats présidentiels et remettre en cause la parité ethnique des institutions, deux acquis majeurs de l’Accord de paix d’Arusha de 2000.
La FIDH et la Ligue Iteka demandent ainsi à l’UA et l’ONU de « prendre des décisions fermes pour contraindre le régime du président Nkurunziza à dialoguer avec l’opposition et la société civile indépendantes et tout faire pour que le projet de modification de la Constitution soit abandonné». L’UA et l’ONU « doivent, selon le rapport, reprendre la main et résolument s’engager dans ce processus en coordonnant leurs actions », estiment les deux organisations.
Une force internationale mixte
Elles appellent l’Union africaine et les Nations unies « à coordonner leurs efforts en vue de soutenir la création, l’acceptation par les autorités burundaises et le déploiement d’une force internationale mixte » de l’UA et de l’ONU. Cette force « serait chargée d’assurer la protection des populations civiles, une surveillance des forces de sécurité burundaises et des activités des milices et des groupes armés ». Le projet de déploiement de troupes étrangères s’est heurté au refus du Burundi, qui a averti qu’il se défendrait militairement contre ce qu’il considère comme une tentative de violer sa souveraineté nationale.
Une autre mesure proposée par la FIDH et la Ligue Iteka consiste à procéder au retrait des éléments burundais de toutes les opérations de maintien de la paix de l’ONU et de l’Union africaine, s’il n’y a pas de progrès du processus politique et si les violations graves des droits humains se poursuivent.
Le Burundi est plongé dans une profonde crise politique depuis la candidature fin avril 2015 du président Nkurunziza à un troisième mandat controversé, qu’il a obtenu trois mois plus tard.
Plus de 400 personnes ont été tuées depuis le début de la crise, qui a poussé plus de 240.000 Burundais à l’exil, alors que des milliers d’autres ont été arrêtés.
Des crimes pouvant relever de la compétence de la CPI
La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a ouvert, en avril 2016, un examen préliminaire sur les violences au Burundi depuis 2015, qui devrait permettre de déterminer s'il y a lieu ou non d'ouvrir une enquête. Dans leur rapport, la FIDH et la Ligue Iteka demandent à Fatou Bensouda de « continuer à s’exprimer publiquement sur l’état d’avancement de l’examen préliminaire et de soumettre, dans les meilleurs délais, une demande d’autorisation d’ouvrir une enquête sur les crimes commis au Burundi relevant de sa compétence».
Bujumbura a décidé à la fin de l’année dernière de se retirer de la CPI après que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU eut décidé de créer une commission d’enquête sur les violations des droits de l’homme dans le pays. Le Conseil était saisi d’un rapport d’experts accusant une douzaine de personnalités burundaises de crimes graves pouvant relever de la compétence de la CPI.
Selon le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, « le retrait (d’un Etat membre) prend effet un an après la date à laquelle la notification a été reçue » et « n'affecte en rien la poursuite de l'examen des affaires que la Cour avait déjà commencé à examiner avant la date à laquelle il a pris effet ».
Juridiquement, rien, en l’état, n’empêche donc Fatou Bensouda se poursuivre son travail sur le Burundi, même si elle ne peut déployer d’enquêteurs dans le pays.