De l’Ouganda à la Centrafrique, en passant par la République démocratique du Congo (RDC) ou le Mali, le débat reste d’actualité alors que le monde célèbre ce 17 juillet la Journée de la justice internationale : d’un côté, le légitime désir de justice pour les victimes, parfois marquées à jamais, dans leur âme et leur corps, par les crimes subis, et, de l’autre côté, l’impératif pour les gouvernants de ressouder une société déchirée, éclatée. JusticeInfo revient sur ce dilemme au cours de la semaine qui s’achève.
Le cas le plus emblématique sur le continent africain est celui de l’Ouganda, avec la terrible Armée de résistance du Seigneur (LRA) dont les plus hauts commandants sont d’ailleurs recherchés par la Cour pénale internationale (CPI). Comme le rappelle Pierre Hazan, conseiller éditorial de JusticeInfo et professeur associé à l'université de Neuchâtel, une loi d’amnistie votée en 2000 a ouvert la voie à des milliers de désertions au sein de la LRA, affaiblissant ainsi le mouvement de Joseph Kony.
Ce texte a cependant été dénoncé par les champions des droits de l’homme comme une violation du droit international. Ainsi, depuis 2015, l’Ouganda, qui est partie au Statut de Rome créant la CPI, veut limiter la portée de sa loi d’amnistie, en excluant les auteurs de crimes internationaux. Mais les députés ougandais hésitent à voter l’amendement, mettant surtout en avant les dividendes de la loi d’amnistie initiale.
« Les partisans de l’amnistie ajoutent que l’approche juridique n’est pas adaptée pour les combattants de la LRA, car les auteurs des pires crimes sont eux-mêmes des victimes », écrit Pierre Hazan. Les combattants de la LRA ont été, en effet, pour la plupart, enrôlés de force alors qu’ils étaient très jeunes, et souvent forcés de commettre des crimes. Sans oublier qu’aucun soldat de l’armée régulière n’a jamais été poursuivi par la justice alors que certains de ses éléments ont commis des crimes graves.
«Comment concilier au mieux, l’impératif de justice et de réconciliation et l’impératif de stabilité ? Peut-il y avoir une paix sans justice ? », s’interroge Pierre Hazan.
Le cas de la Centrafrique
Une amnistie, c’est aussi ce qu’exige, à mots couverts, le chef de guerre centrafricain Nourredine Adam, ex-numéro 2 de la coalition rebelle de la Séléka, qui a chassé du pouvoir le président François Bozizé en mars 2013.Déjà sous le coup de sanctions internationales et passible de poursuites devant la justice nationale ou la CPI, Nourredine Adam est aujourd’hui reclus dans le nord-est de la Centrafrique. Dans une interview accordée à Radio Ndeke Luka et reprise par JusticeInfo.Net il réclame « un dialogue national et un accord politique » qui satisfasse « tout le monde ». En clair, l’impunité pour les crimes qui lui sont ou pourraient lui être reprochés. Il partage cette exigence avec les anciens présidents François Bozizé et Michel Djotodia, d’ailleurs soutenus en cela par certains gouvernements africains. Au même moment, l’écrasante majorité des Centrafricains demandent que justice soit rendue.
La Tunisie post-Printemps arabe
En Tunisie, se pose une question d’une tout autre nature après « le Printemps arabe ». La Cour des comptes reproche aujourd’hui au gouvernement, comme l’écrit la correspondante de JusticeInfo, Olfa Belhassine, d’avoir recruté comme fonctionnaires « de faux blessés et des membres de familles de pseudo « martyrs » de la Révolution, qui n’ont aucun lien avec la répression sanglante des forces de l’ordre ». Selon une nouvelle loi tunisienne, les victimes de la Révolution de 2010-2011 « ont droit à des recrutements directs et exceptionnels dans l’administration publique ». Ils sont, d’après la loi, dispensés de concours.