La chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé aux juges de première instance de revoir leur copie et de préciser notamment si l’ancien président ivoirien est jugé dans des délais raisonnables. Laurent Gbagbo restera donc en détention jusqu’à nouvel ordre. Cette décision place la longueur de la détention préventive au cœur des débats.
Laurent Gbagbo est retourné dans la prison de la Cour pénale internationale (CPI) mercredi 19 juillet en fin de journée et restera en détention jusqu’à nouvel ordre. Mais les juges d’appel ont demandé une révision de la décision prise en mars dernier, par laquelle la chambre de première instance, en charge de conduire le procès, rejetait la onzième demande de libération provisoire de l’ancien président ivoirien. Dans un résumé lu à la Cour, le juge Piotr Hofmanski a estimé que la chambre de première instance aurait dû « prendre en considération le temps que monsieur Gbagbo a passé en détention », pour évaluer si l’accusé est jugé dans « des délais raisonnables ». L’ex chef de l’Etat ivoirien est détenu à La Haye depuis novembre 2011. Le procès de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, tous deux poursuivis pour crimes contre l’humanité commis suite à la présidentielle de novembre 2010, a débuté il y a 18 mois. Le procureur devrait boucler la présentation de ses témoins en janvier 2018 et ce sera ensuite au tour de la défense. Le verdict n’est pas attendu avant 2020. Et le temps semble finalement être le meilleur allié de Laurent Gbagbo. La chambre d’appel a aussi estimé que son âge, 72 ans, devait être pris en considération et que son dernier dossier médical aurait dû être examiné par les juges avant de rejeter sa demande. Les juges d’appel reprochent aussi à leurs collègues de première instance de s’opposer à la libération au motif que Laurent Gbagbo ne reconnaît aucune responsabilité dans les crimes. Ils précisent qu’un accusé a, évidemment, le droit de garder le silence.
Le réseau de supporters
La chambre d’appel a néanmoins rejeté les demandes de la défense concernant le réseau de supporters de l’ancien président, raison centrale pour laquelle Laurent Gbagbo s’est vu, à dix reprises, refuser une libération. En première instance, les juges avaient précisé qu’il n’existe pas « d’indication spécifique » montrant que les partisans de l’ancien président pourraient organiser son évasion, mais avaient ajouté qu’ils ne pouvaient « en écarter la possibilité ». « Spéculation », avait estimé la défense en faisant appel, reprochant aux juges de se baser sur des éléments fournis par l’accusation, et demandant à celle-ci d’en fournir des éléments probants. Les supporters étaient peu nombreux, ce mercredi, à La Haye, mais les juges avaient aussi reproché la tenue régulière de manifestations en faveur de leur mentor.
La décision rendue mercredi vient conforter en partie l’opinion dissidente du juge Cuno Tarfusser, qui préside le procès. En mars, il avait estimé que Laurent Gbagbo devait être libéré sous conditions, notamment parce qu’il ne pouvait pas être jugé dans des délais raisonnables. Pour le juge, cela pourrait « ouvrir la porte à des abus auxquels nous ne voudrions pas voir associer » la Cour. Reste que politiquement, une éventuelle libération conditionnelle de Laurent Gbagbo peut s’avérer compliquée. Il faudrait qu’un Etat accepte d’accueillir l’ancien président, prévienne toute possibilité de fuite et soit proche de la Cour. Car, s’il est libéré, Laurent Gbagbo devra néanmoins assister aux audiences.