La Commission d'enquête de l'ONU sur la Syrie a suffisamment de preuves pour condamner le président Bachar al-Assad pour crimes de guerre, affirme dans une interview publiée dimanche l'un de ses membres éminents, Carla Del Ponte, qui vient d'annoncer sa démission.
"Les preuves sont suffisantes pour condamner le président syrien Bachar al-Assad de crimes de guerre, j'en suis convaincue", affirme l'ancienne procureure spécialiste des crimes de guerre dans un entretien aux médias suisses Le Matin Dimanche et SonntagsZeitung.
"Mais en raison du veto de la Russie au Conseil de sécurité de l'ONU sur la création d'un tribunal international, il n'y aura ni accusation ni tribunal spécial pour l'instant", ajoute-t-elle.
Cette situation est "frustrante", "c'est une tragédie", poursuit-elle : "sans justice en Syrie, il n'y aura jamais de paix et donc aucun avenir".
Mme Del Ponte, de nationalité suisse, avait annoncé la semaine dernière son départ en affirmant être "frustrée" face à une Commission qui "ne fait absolument rien".
La Commission d'enquête indépendante de l'ONU a été créée en août 2011 par le Conseil des droits de l'homme, quelques mois après le début du conflit syrien.
Présidée par le Brésilien Paulo Pinheiro, cette Commission a déjà rendu de nombreux rapports mais n'a jamais été autorisée par Damas à se rendre en Syrie.
"Je n'ai jamais vu un conflit aussi violent, dans lequel il y a autant d'enfants morts, torturés, décapités. Les enfants sont les premières victimes de ce conflit", ajoute l'ancienne procureure âgée de 70 ans, connue pour son franc-parler.
Elle précise avoir envoyé jeudi sa lettre de démission, et ajoute qu'elle démissionnera officiellement le 18 septembre, date de la prochaine session de la commission.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a estimé lundi que la Commission d'enquête - qui après le départ de Mme Del Ponte ne comptera plus que deux membres - devait poursuivre ses travaux malgré la démission de l'un de ses membres éminents.
"Ma démission est aussi une provocation. Elle doit servir à mettre la pression sur le Conseil de sécurité, qui doit rendre justice aux victimes", dit encore Mme Del Ponte.
Carla Del Ponte travaillait pour cette Commission de l'ONU depuis septembre 2012. Elle a aussi lutté contre les crimes de guerre commis au Rwanda et dans l'ex-Yougoslavie.
Si toutefois un tribunal pour la Syrie devait voir une fois le jour, l'ancienne procureure dit être partante pour le diriger.