Une chambre de première instance de la Cour pénale internationale (CPI) rendra jeudi son ordonnance de réparation dans le dossier de l’ancien djihadiste Ahmed Al Faqi Al Mahdi, condamné à neuf ans de prison pour destruction de mausolées de Tombouctou, au Mali. Pour la communauté de cette ville sainte musulmane, le dommage moral subi est « irréparable ».
La décision que les juges Raul Pangalangan, Antoine Kesia-Mbe Mindua et Bertram Schmitt vont rendre jeudi 17 septembre est très attendue. La chambre s’apprête à se prononcer sur les réparations dans le dossier du Malien Ahmed Al Faqi Al Mahdi condamné à neuf ans d'emprisonnement le 27 septembre 2016. Agé d’une quarantaine d’années, l’ancien djihadiste d’Ansar Dine est entré dans l’Histoire comme la première personne condamnée par la justice pénale internationale pour des actes ayant frappé un peuple dans son identité religieuse, culturelle et historique. Seul accusé de la Cour pénale internationale (CPI) à être passé aux aveux à ce jour, cet instituteur de formation été reconnu coupable, en tant que coauteur, du crime de guerre, pour avoir dirigé intentionnellement des attaques en 2012, à Tombouctou, au Mali, contre neuf mausolées inscrits sur la Liste du Patrimoine mondial de l’Unesco et la porte dite « secrète » de la mosquée Sidi Yahia.
Pour les familles gardiennes des mausolées de Tombouctou, le dommage moral causé par leur compatriote est incommensurable. « Je n’attend rien de cette nouvelle audience. La question des mausolées n’est pas une question d’argent. Ces mausolées font partie de notre patrimoine identitaire », se désole encore Sane Chirifi Alpha Moulaye, un représentant de ces familles. Pour lui, « les populations de Tombouctou ont été atteintes dans ce qui leur est très cher ». « Le préjudice physique peut être réparé, mais le dommage moral, c’est impossible à réparer », souligne-t-il.
Né vers 1975, le condamné était un membre d'Ansar Dine, l'un des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda qui ont contrôlé le nord du Mali pendant environ dix mois en 2012, avant d'en être en grande partie chassés par une intervention internationale déclenchée en janvier 2013 par la France.
En tant que chef de la Hisbah, la brigade islamique des moeurs, Al Mahdi, plus connu sous le nom de guerre d’Abou Tourab, a ordonné et participé aux attaques contre les mausolées, détruits à coups de pioche, de houe et de burin.
« Abattre la population dans son âme »
Après les aveux d’Al Mahdi, le procureur avait requis contre lui une peine de 9 à 11 ans de prison. Bien qu’ayant retenu la limite inférieure de cette fourchette, les juges ont rappelé, dans le résumé du jugement lu à l’audience, que Tombouctou est « une ville Un emblématique, ayant une dimension mythique et un rôle spécial pour la diffusion de l’Islam dans la région ». Les juges de la CPI ont qualifié la destruction des mausolées d’« acte de guerre, qui visait à abattre la population dans son âme ».
La chambre néanmoins a estimé que les remords exprimés publiquement par Al Mahdi pourraient être entendus par ceux qui se livrent actuellement aux crimes du même genre en Irak et en Syrie. Les juges ont également pris en compte sa coopération avec le bureau du procureur. Une coopération, qui comme l’avait laissé entendre l’accusation, durant le procès, pourrait aider à l’avancement de l’enquête ouverte sur la situation au Mali.
L’Unesco, qui a participé financièrement à la reconstruction des mausolées détruits, a salué le jugement. « La décision de la Cour pénale internationale est une étape historique dans la reconnaissance de l'importance du patrimoine pour les communautés qui l’ont préservé au fil des siècles et au-delà, pour l’humanité tout entière », a estimé dans un communiqué, la directrice générale de l’organisation, Irina Bokova.
« Le cas de Tombouctou montre combien la protection du patrimoine est un enjeu majeur pour la sécurité des peuples, inséparable de la protection des vies humaines. Les attaques envers la culture sont devenues des armes de guerre, dans une stratégie de nettoyage culturel qui vise à la fois les personnes et les supports de leur identité, les institutions du savoir et de la liberté de pensée », a ajouté l’Unesco.
Immédiatement après les destructions en 2012, l’Unesco avait alerté la communauté internationale et saisi la CPI pour que ces crimes ne restent pas impunis.