Alors que la Commission d’enquête sur le Burundi a présenté à la presse son rapport final sur les graves violations des droits humains perpétrées au Burundi depuis avril 2015, le parlement burundais a décidé de former sa propre commission d’enquête pour examiner le rapport onusien.
C’est l’agence de presse Xinhua (Chine nouvelle) qui en a fait état ce week-end: «Les députés de l'Assemblée nationale burundaise se sont convenus jeudi sur la mise en place d'une commission parlementaire spéciale chargée d'examiner le contenu des rapports des commissions internationales d'enquête produits sur le Burundi, a constaté Xinhua sur place.»
Et la dépêche de citer les parlementaires impliqués: «Cette commission spéciale d'enquête parlementaire burundaise est une valeur ajoutée pour accorder au Burundi davantage d'opportunités de démentir les faussetés contenues dans de tels rapports sciemment déséquilibrés, afin de pouvoir livrer la véritable situation prévalant sur le terrain burundais et ainsi auréoler l'image de marque du pays ainsi sciemment ternis par certains détracteurs extérieurs", ont-ils fait remarquer. Pour ces députés, cette commission spéciale d'enquête parlementaire burundaise pourra aussi "peser dans la balance", pour que des poursuites judiciaires soient engagées auprès des instances internationales, le cas échéant, contre des auteurs de fausses allégations relayées auprès des commissions d'enquête internationales.»
Une initiative malvenue
Interrogé par JusticeInfo, le président de la Commission de l’ONU, Fatsah Ouguergouz, rétorque: «C’est bien sûr leur droit de créer cette commission parlementaire. Mais ils sont malvenus de critiquer notre rapport qui est solide, alors que les autorités burundaises ont toujours refusé de collaborer avec nous, malgré nos nombreuses requêtes. »
Quant à Reine Alapini Gansou, l’autre experte de la Commission onusienne avec Françoise Hampson, elle voit dans la contre-enquête parlementaire «que notre commission a de la valeur. C’est une marque de succès pour nous et un coup d’épée dans l’eau pour eux.» Et Reine Alapini Gansou d’insister: «Nous déplorons vivement l’absence de coopération du gouvernement burundais, ce qui a notamment compliqué nos efforts pour documenter les atteintes aux droits de l’homme commises par des groupes armés d’opposition. Cela est d’autant plus regrettable que, comme membre du Conseil des droits de l’homme, le Burundi est tenu de collaborer avec les mécanismes mis sur pied par le Conseil.» Une qualité de membre que pointe Human Rights Watch: «Le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies devrait demander à l'Assemblée générale de reconsidérer l'appartenance du Burundi à cet organe », a commenté le directeur du bureau de l'ONG à Genève, John Fisher.
Crimes contre l’humanité
De leur côté, les trois membres de la Commission d’enquête sur le Burundi appelle la Cour pénale internationale à enquêter sur de possible crimes contre l’humanité.
Fatsah Ouguergouz s’en explique: «Ces actes ont été perpétrés dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique contre la population civile, avec la connaissance d'une telle attaque. Ces actes rentrent dans le cadre d'une politique de l'Etat burundais.»
Pointant «des responsables au plus haut niveau de l'Etat», le rapport indique avoir «des motifs raisonnables de croire que plusieurs de ces violations, commises en majorité par des membres du service national de renseignement, de la police et de l'armée ainsi que des Imbonerakure (ligue de jeunesse du parti au pouvoir, ndr), constituent des crimes contre l'humanité.»
Le rapport s’interroge également sur le fonctionnement des responsables présumés de ces crime: «Plusieurs témoignages ont montré que le fonctionnement réel de l’État reposerait en grande partie sur une structure parallèle basée sur des liens personnels, hérités du temps où certaines autorités issues du CNDD-FDD (le parti au pouvoir, ndr) menaient la lutte armée dans le maquis et renforcés afin de faire face aux oppositions internes (…) De grandes décisions, y compris celles qui ont débouché sur des violations graves des droits de l’homme, ne seraient pas prises par le Gouvernement, mais par le Président de la République entouré d’un cercle restreint de "généraux".»