Le Kosovo s'est doté jeudi d'un Premier ministre, l'ancien guérillero Ramush Haradinaj, accusé de crimes de guerre par la Serbie avec qui il devra pourtant relancer le dialogue.
A la tête d'une coalition d'anciens commandants de l'armée de libération du Kosovo (UCK) arrivée en tête des législatives du 11 juin mais sans majorité absolue, Ramush Haradinaj, 49 ans, s'employait depuis trois mois à trouver une majorité parlementaire.
Le ralliement du petit parti de l'homme d'affaires Behgjet Pacolli la lui a offerte. Sa désignation par le président Hashim Thaçi doit désormais être avalisée par le Parlement qui représente les 1,8 million de Kosovars.
Considéré comme un "dur" parmi les vétérans de l'UCK, il devra aussi faire avec l'appui des dix élus de la minorité serbe, qui, avec le soutien de Belgrade, ne reconnaît pas l'indépendance du Kosovo.
Outre la difficile situation économique du Kosovo dont la jeunesse ne rêve que d'exil et où le chômage touche officiellement près d'un tiers de la population active, la principale tâche du nouveau gouvernement sera de relancer le dialogue avec la Serbie, au point mort depuis des mois.
- Le soutien des élus serbes -
Appuyée par Moscou, la Serbie refuse de reconnaître l'indépendance de son ancienne province albanaise, qui l'a proclamée en 2008. Elle est désormais reconnue par plus de 110 pays, dont la majorité des Etats membres de l'Union européenne. La minorité serbe, forte d'environ 120.000 personnes, vit dans le nord du Kosovo et dans diverses enclaves en ne donnant son allégeance qu'à Belgrade.
Malgré son intransigeance, Ramush Haradinaj n'aura guère le choix que de prendre langue avec son ennemi de toujours, selon l'analyste Behlul Beqaj: "Ce dialogue est un processus très soutenu sur le plan international" et "Haradinaj n'est pas en position de l'abandonner ou de le retarder". Le principal parti de la coalition qui le soutient, le PDK, est celui du président Hashim Thaçi, favorable au dialogue.
Adossé à une majorité très fragile, Ramush Haradinaj devra faire face "à une opposition hostile qui dispose de quasiment la moitié des sièges du parlement", poursuit Beqaj. Le premier parti du pays, la formation de gauche nationaliste Vetevendosje du tribun Albin Kurti, est hostile à toute concession à Belgrade et ne cache pas sa détestation de la vieille garde de l'UCK qu'elle accuse de corruption.
Par le passé, Vetevendosje (Autodétermination) a organisé des manifestations émaillées de violence à Pristina, et ses députés se sont illustrés lors de la mandature précédente en jetant du gaz lacrymogène à l'assemblée pour s'opposer avec succès à l'examen d'une loi qui leur déplaisait.
Ironiquement, la pérennité aux affaires de Ramush Haradinaj "dépendra des votes de la minorité serbe", poursuit Behlul Beqaj.
- Haradinaj silencieux sur la Serbie -
Les interlocuteurs du nouveau Premier ministre seront par ailleurs ceux-là même qui l'accusent de s'être rendu coupable d'atrocités durant la guerre d'indépendance de 1998-99 contre les forces de Belgrade, qui avait fait 13.000 morts, dont 10.000 Kosovars albanais.
C'est du fait de ses ennemis de toujours qu'il a été bloqué en France de janvier à avril dernier, le temps pour la justice française d'examiner et de rejeter une demande d'extradition de la Serbie.
Lors de sa première allocution après sa désignation jeudi, Ramush Haradinaj n'a pas eu un mot sur la Serbie ni sur le dialogue avec Belgrade. "Ce qui nous inquiète, c'est la situation du pays. Nous ne devons pas laisser les citoyens perdre espoir et chercher leur salut à l'étranger", a-t-il dit.
En début de soirée, Belgrade n'avait pas réagi à son arrivée aux affaires.
En accédant à ce poste, Ramush Haradinaj retrouve une fonction qu'il avait brièvement occupée en 2004-2005. Il avait dû démissionner après une centaine de jours à cause de son inculpation par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) qui l'a par la suite acquitté à deux reprises.