La semaine de la justice transitionnelle a été marquée par la publication d’un nouveau rapport sur le Burundi du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU. Un document encore plus accablant que le précédent sur ce petit pays des Grands Lacs sujet à une répression sanglante du pouvoir depuis la réélection jugée inconstitutionnelle du président Pierre Nkurunziza en 2015.
Dans une interview exclusive à JusticeInfo.net, le rapporteur Fatsah Ouguergouz explique « Depuis notre dernière déclaration au mois de juin, nous avons constaté la persistance des violations qui se déroule de manière plus clandestine qu’en 2015 et 2016. Il n’y a aucun signe d’évolution positive dans ce domaine ».
La crise des droits de l’homme au Burundi se greffe sur une crise politique. Mais le rapporteur d’ajouter « Il n’y a pas eu d’évolution sur le plan politique et aucun signal ne montre un début de dialogue politique, alors que la communauté internationale le demande avec insistance. Il n’y a aucun signe d’ouverture de la part du gouvernement burundais ».
Circulez il n’y a rien à voir ; le régime refusant même à l’ONU l’accès sur place.
Ces commissions ont-elles néanmoins une utilité ? Comme l’a dénoncé en en démissionnant brutalement, la procureur tessinoise suisse, Carla Del Ponte, membre de la commission similaire en Syrie.
Le rapporteur rappelle que les commissions d’enquête comme la sienne « ne sont pas des organes judiciaires ».
Mais, il défend son travail. La commission a collecté plus de 500 témoignages, non seulement auprès de réfugiés dans les pays limitrophes, dans la diaspora et même au Burundi via différents canaux de communication. Comme le dit Fatsah Ouguergouz ces instances « balisent le terrain pour d’éventuelles poursuites ».
Dans son rapport, la commission demande ainsi à la CPI d’enquêter sur les possibles crimes de guerre répertoriés. Ce qui est possible, le Burundi a bien demandé de se retirer de la Cour en 2016 mais cette décision n’est pas rétroactive et le gouvernement du pays est bien passible encore aujourd’hui du statut de Rome dont il est signataire.
Ce cas du Burundi illustre bien les limites et le possible de la justice transitionnelle.
Déception avec Aung San Suu Kyi
En témoigne aussi, l’espoir déçu placé en Aung San Suu Kyi icône internationale et qui laisse l’armée de son pays poursuivre une féroce répression de la minorité musulmane Rohingya. La Prix Nobel de la Paix et dirigeante de fait du Myanmar en est réduite face à des témoignages accablants à dénoncer la « désinformation ». Comme le dit dans un euphémisme Amnesty International "Aung San Suu Kyi semble minimiser les informations terribles qui parviennent de la région".
Autre revers cette semaine pour la justice transitionnelle le Mali où l’accord de paix dit d’Alger conclu en 2015 est tous les jours battu en brèche. À la demande de la France, le Conseil de sécurité a adopté une série de sanctions contre les acteurs non nommés qui dressent des obstacles à une transition pacifique.
La même semaine, Human Rights Watch dans un rapport très documenté identifiait un de ces acteurs : l’armée malienne elle-même. HRW écrit ainsi : « Depuis la fin de 2016, les forces maliennes se sont livrées à des meurtres extrajudiciaires, à des disparitions forcées, à des actes de torture et à des arrestations arbitraires à l'encontre d'hommes accusés de soutenir les groupes armés islamistes ». Cette « logique perverse consistant à torturer, tuer ou ‘faire disparaître’ des personnes au nom de la sécurité alimente le cycle croissant de la violence et des abus au Mali », dénonce ainsi Corinne Dufka, directrice de recherches Afrique à Human Rights Watch.