La répression envers les acteurs de la société civile a augmenté au Tchad ces dernières années, dénonce dans un rapport publié jeudi l'ONG Amnesty international, qui appelle les autorités à modifier ces pratiques.
"Les défenseurs des droits humains, les membres de mouvements citoyens, les syndicalistes et les journalistes qui critiquent le régime sont de plus en plus menacés", s'inquiète dans son communiqué de presse l'ONG de défense des droits de l'homme, qui demande aux autorités de "modifier les lois restrictives" et de libérer les "prisonniers d'opinion".
Amnesty dénonce l'arrestation et la détention de membres de la société civile, l'interdiction croissante des manifestations et les restrictions de la liberté d'expression. Elle dénombre 65 associations interdites de manifester en deux ans et plus de 10 sites internet bloqués en 2016.
En ligne de mire: l'Agence nationale de Sécurité (ANS), qui arrête et détient illégalement dans des lieux non-officiels des personnes coupées de leur famille et de leur avocat, selon l'ONG.
"J'étais les pieds enchaînés, les mains menottées, et pendant l'interrogatoire, on me mettait un sac avec des piments sur la tête. Je ne pouvais pas respirer pendant trois ou quatre minutes. J'agonisais", avait témoigné en juillet à l'AFP à visage découvert Nadjo Kaina, du mouvement citoyen Iyina ("Nous sommes fatigués" en arabe dialectal), arrêté en avril par l'ANS et détenu au secret 21 jours.
Le président tchadien Idriss Déby Itno avait promis, au moment de son accession au pouvoir 1990, de rompre avec les pratiques de son prédécesseur Hissène Habré qui purge aujourd'hui une peine de prison à vie pour "crimes contre l'humanité", rappelle Amnesty.
Une première intensification des violations des droits humains s'est faite ressentir en 2006-2008, période où le régime d'Idriss Déby a connu deux tentatives de renversement.
La répression s'est encore accentuée depuis 2016, année électorale aboutissant à la réélection de M. Déby pour un cinquième mandat. Une réélection contestée par l'opposition.
Amnesty international, qui dit avoir sollicité les autorités tchadiennes il y a six semaines, assure ne pas avoir reçu de réponse de leur part.
Exposé depuis 2015 aux attaques du groupe jihadiste nigérian Boko Haram, le Tchad est un partenaire militaire stratégique dans la lutte contre le jihadisme au Sahel, pour de nombreux pays occidentaux - notamment la France ou les Etats-unis.
Ces Etats "sont moins enclins à faire pression sur le Tchad au sujet de la situation des droits humains dans le pays", selon "plusieurs sources diplomatiques et de la société civile", écrit Amnesty.