La justice transitionnelle est aussi question de mots. Comme « génocide » ou « nettoyage ethnique » marqués par les mémoires sanglantes du Rwanda ou des Balkans.
À court de mots, le secrétaire général de l’ONU a reconnu que le massacre des Rohingyas par l’armée du Myanmar était bien « un nettoyage ethnique ».
"Quand un tiers de la population Rohingya doit fuir le pays, pensez-vous pouvoir trouver un meilleur mot pour décrire" la situation, a ainsi répondu António Guterres. Mais pour la dirigeante de fait du pays et Prix Nobel de la Paix, Aung San Suu Kyi il s’agit d’un « iceberg de désinformation ». Et, plus que jamais otage de l’armée, elle a défendu ses militaires.
Rappelons que plus de 400.000 Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh depuis fin août pour fuir une campagne de répression de l'armée birmane. Et des milliers d'autres hommes, femmes et enfants sont toujours en train de errer entre leur pays et un hypothétique et fragile refuge.
Génocide
Question de mot toujours en République Centrafricaine, menacée selon plusieurs responsables de l’ONU de « génocide » alors que la plupart des experts dispute l’emploi de ce mot. « En convoquant trop hâtivement « le crime des crimes », n’y a-t-il pas un risque de dévaloriser le terme de « génocide » au risque qu’il perde sa capacité d’alerte ? », écrit ainsi Pierre Hazan. Et de rappeler que le génocide est une catégorie juridique et historique précise. Comme le juriste Didier Niewiadowski interviewé par JusticeInfo.Net, qui affirme : « Y a-t-il actuellement une planification de l'élimination physique systématique, quelque soit l'âge où le sexe, d'un groupe ethnique ou religieux ? La réponse est non ».
Bien sûr, nul ne disconvient que la situation en Centrafrique soit épouvantable. Mais, à crier au loup, se demande Pierre Hazan, n’est ce pas avant tout pour l’ONU : « un aveu d’impuissance et un appel au secours ».
Concrètement sur le terrain centrafricain, le désarmement des milices qui contrôlent l’essentiel du territoire, est un « leurre » comme le décrivent Ephrem Rugiririza de JusticeInfo.net et Hippolyte Marboua de Radio Ndeke Luka. Quelques vieilles pétoires ont été remises au gouvernement impuissant. Mais, explique JusticeInfo.net : « Pendant que les autorités préparent la destruction de ces vieilles kalachnikovs, des armes plus puissantes crépitent, fauchant, non plus seulement des civils, mais aussi des Casques bleus des Nations unies, des humanitaires et des hommes d’église ».
Massacre impuni
Ces exemples birman ou centafricain, aux confins du monde, ne sont pas sans conséquence comme le rappelle cet épisode oublié de massacres de tutsis en République Démocratique du Congo.
Que se passe-t-il lorsque l’impunité perdure et le travail de justice est oublié ? C’est ce que vivent depuis près de 15 ans les tutsis du Congo au Sud Kivu. Oubliés de leur pays d’origine, la RDC, mais aussi du Burundi, où le mouvement rebelle qui avait revendiqué un massacre de membres de leur communauté, le 13 août 2014, au camp de réfugiés de Gatumba, près de la frontière congolaise, participe aujourd'hui à la gestion politique du pays . Ce jour-là, près de 200 personnes - hommes, femmes et enfants - furent tuées. Le carnage - partie de fait du génocide des tutsis - fut revendiqué par le Front national de libération (FNL) d’Agathon Rwasa, actuellement vice-président de l’Assemblée nationale du Burundi.
Dans une interview à JusticeInfo.net, un anthropologue rwandais, le Professeur Déo Mbonyinkebe, demande que justice leur soit rendue : « Au niveau local et régional, de fait et de droit, la République démocratique du Congo, le Burundi et le Rwanda sont des alliés potentiels sur cette question. La plupart pour se rattraper sur des responsabilités manquées ou mal assumées ! Alliée et juge, l’Organisation des Nations unies, par son commissariat aux refugiés, devrait, en plus de ces pays, se sentir coupable d’avoir exposé ces réfugiés aux frontières d’un pays qu’ils avaient fui. »