Alors que le Burundi continue de faire les grands titres de la presse, le Conseil onusien des droits de l’Homme a adopté la semaine dernière une résolution du groupe africain, plus favorable à Bujumbura que celle de l’Union européenne. Celle-ci exprime sa grande déception. JusticeInfo.Net vous propose l'article ci-après de notre consoeur Agnès Ndirubusa, du Groupe de presse burundais Iwacu.
Mercredi 27 septembre, coup de théatre à Genève. Tout était pourtant parti sur l’Union européenne qui s’était proposée à produire une résolution. Celle-ci réitère les allégations contenues dans le rapport de la commission d’enquête sur le Burundi. Ce rapport fait état de crimes contre l’humanité. La CPI est appelée en renfort pour enquêter. Le projet de résolution de l’UE demande également le renouvellement du mandat de la commission onusienne d’enquête sur le Burundi.
Jusque-là la procédure suit son cours normal et le Conseil des droits de l’Homme pense qu’il va tabler sur cette seule résolution pour statuer sur le cas du Burundi.
Mais c’est sans compter sur le groupe africain. A moins de 24h de la décision du Conseil des droits de l’Homme, il a sorti comme par magie une autre résolution. Dirigé par la Tunisie, le groupe a convoqué sa propre réunion mercredi et dévoilé cette résolution. Celle-ci félicite le Burundi d’avoir engagé le dialogue et accepté de coopérer avec l’ONU. Elle ne fait aucunement mention du renouvellement du mandat de la commission d’enquête.
Déconcertés, l’Union européenne, la Suisse, la Norvège, la Grande Bretagne ainsi que les Etats Unis ont refusé de commenter cette résolution africaine de dernière minute. La délégation européenne s’est dite déroutée par la tournure du groupe africain en général et celle du Burundi en particulier. « Au lieu de nous envoyer vos commentaires, vous avez déposé un texte concurrent. »
Bujumbura parle d’acharnement
Après ministres et ambassadeurs, le président Pierre Nkurunziza est lui aussi monté aux créneaux. Il a profité de la rentrée judiciaire du 22 septembre pour assurer qu’un autre complot visait le 3 ème pouvoir. Selon le numéro Un, cette conspiration vise à remettre en cause les acquis de l’indépendance et de la souveraineté du peuple burundais.
Il a indiqué que cela a commencé avec la colonisation et a failli se reproduire en 2015 avec le putsch. « Quand la souveraineté du peuple a failli être balayée par certains étrangers afin de placer leurs marionnettes au pouvoir. » Ils se sont par la suite attaqués à l’armée, la police ainsi qu’au service national des renseignements, cherchant à les diviser sans succès. Maintenant vient le tour de la justice. Mais c’est sans compter sur « Dieu qui a permis de vaincre ces batailles, qui va permettre d’arriver au bout de cette lutte, » a assuré Pierre Nkurunziza.
La justice burundaise est décriée dans le rapport de la commission d’enquête des Nations unies sur le Burundi. Selon le rapport, les crimes contre l’humanité sont commis, sous le silence complice de la justice. Les criminels quant à eux courent toujours. Le président de la commission demande à la Cour pénale internationale d’enquêter. Le Conseil va devoir statuer.
Bujumbura n’a pas chômé. De l’autre côté de l’Atlantique, se tenait la session de l’Assemblée générale des Nations unies, du 12 au 29 septembre. La délégation burundaise, dirigée par le ministre des relations extérieures, a multiplié les tractations. Histoire de rallier plus de monde à la cause du Burundi. Avec le ministre des relations extérieures qui a accusé l’UE de prendre des sanctions unilatérales pour mettre l’économie burundaise à genoux. Le ministre Alain-Aimé Nyamitwe a déploré que certains membres de l’ONU aient pris l’habitude d’obtenir par le Conseil des droits de l’Homme et d’autres mécanismes établis par celui-ci, des résolutions visant à nuire à la sécurité des Etats. « Le récent rapport de la commission d’enquête sur le Burundi constitue une dernière démonstration de la manipulation. »
Au moment où nous mettons sous presse, le projet de résolution sur le Burundi présenté par le groupe africain est adopté avec 23 voix en faveur, 14 contre et 9 abstentions. Elle prévoit l’envoi de 3 experts. L’Union européenne parle de grosse déception. D’une certaine manière, c’est une victoire du pouvoir burundais.