Après la prestation de serment fin juin du Procureur général et de cinq juges de la Cour pénale spéciale de Centrafrique, place maintenant à l’examen du projet de Règlement de procédure et de preuve (RPP). Ce texte sera le principal outil juridique dans l’administration de la justice devant cette Cour créée au sein du système judiciaire centrafricain. Un atelier de validation de ce projet de règlement s’est tenu les 2 et 3 octobre à Bangui avec pour objectifs de recueillir les avis des partenaires aux fins de son amélioration, selon un communiqué de la Mission de l’ONU en Centrafrique (MINUSCA).
Cette rencontre regroupait, selon le communiqué, différents « partenaires nationaux et internationaux engagés dans l’opérationnalisation » de la CPS.
En définissant les objectifs de cet atelier, Najat Rochdi, représentante résidente du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), a situé ces échanges de deux jours « dans le processus d’opérationnalisation de la Cour pénale spéciale et dans la protection des victimes et des témoins ».
Pour sa part, le ministre centrafricain de la Justice, Flavien M’bata, a saisi l’occasion pour annoncer la nomination prochaine, par décret présidentiel, d’officiers de police judiciaire afin de faciliter le travail de la Cour pénale spéciale. Le ministre a par ailleurs souhaité la validation prompte du document de procédure et de preuve et sa transmission à l’Assemblée nationale pour son adoption.
La Cour pénale spéciale de la République centrafricaine a été créée sous le gouvernement de transition de Catherine Samba- Panza, par la loi n°15.003 du 3 juin 2015. Elle est compétente pour enquêter, instruire et juger les violations graves des droits de l’Homme et les violations graves du droit international humanitaire, commises sur le territoire centrafricain depuis le 1er janvier 2003. Le travail de la CPS est complémentaire de celui de la Cour pénale internationale (CPI) à laquelle le même gouvernement de Catherine Samba-Panza a déféré la situation en Centrafrique depuis août 2012. La CPS, qui se met en place progressivement, est composée de magistrats et de personnel nationaux et internationaux.
Les défis qui attendent le procureur de la CPS
Le Procureur de la CPS, le colonel Toussaint Muntazini Mukimapa, et cinq magistrats centrafricains de la Cour ont prêté serment le 30 juin dernier à Bangui.
Un mois avant son entrée en fonction, le colonel Mukimapa, membre des Forces armées de la République démocratique du Congo (RDC), confiait à Radio Ndeke Luka qu’il était conscient des défis qui l'attendent. Ces derniers sont liés notamment à l'insécurité qui prévaut sur la grande partie du territoire centrafricain. . « Les défis sécuritaires peuvent compromettre les enquêtes. Mais nous sommes là pour les affronter », avait-il promis. « Avant même de venir, j’étais conscient que beaucoup de défis allaient se poser à moi. Si j’ai accepté d’exercer ce mandat, c’est parce que je me sens prêt à affronter ces défis et je sens que j’aurai le soutien des autorités et du peuple tout entier », avait-il poursuivi. Sans entrer dans le détail, Muntazini Mukimapa avait affirmé disposer de stratégies pour enquêter sur les « seigneurs de guerre (qui) continuent à commettre des crimes impardonnables ».
Dans un volumineux rapport publié le 30 mai sur les plus graves violations des droits de l’homme en Centrafrique depuis 2003, l’ONU recommande au procureur de la CPS de bien élaborer et publier sa stratégie de poursuites avant d’entamer ses enquêtes. Les auteurs du rapport estiment que la publication préalable de cette stratégie permettra à Muntazini Mukimapa de faire face à d’éventuelles pressions de la part de groupes politiques, religieux ou ethniques.
Placer les victimes au centre de la stratégie de poursuites
Pour sa part, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), une des organisations qui ont milité pour la création de la CPS, exhorte le procureur Mukimapa à placer les victimes au centre de sa stratégie. « Nous demandons au Procureur spécial, qui va décider de l'orientation des enquêtes et des poursuites, de ne pas oublier les victimes dans la politique pénale qu'il va définir, dans les poursuites engagées », déclarait Florent Geel, chargé de l’Afrique à la FIDH, dans un entretien avec JusticeInfo.Net le 30 juin dernier.
« Nous avons dit tout cela au Procureur, nous savons pouvoir compter sur lui et son expérience et il sait qu'il peut compter sur nos organisations pour faire le lien avec les victimes, apporter des preuves et être des acteurs positifs et progressifs au sein de la Cour en tant que représentants des victimes », avait ajouté le responsable de la FIDH.