Cette semaine a montré les différents visages d’une justice transitionnelle qui souvent hésite, tâtonne ou recule.
Ainsi, la procureure de la Cour Pénale Internationale a annoncé vendredi soir qu’elle demandait l’ouverture d’une enquête sur des crimes de guerre commis en Afghanistan depuis 2003. Dans le viseur de la procureure : les taliban, les forces de sécurité afghanes, la CIA et ses prisons secrètes ainsi que l’armée américaine, gros morceaux d’une éventuelle procédure.
Les Etats-Unis qui ne sont pas partie de la CPI tout comme leurs alliés afghans ont tout fait pour entraver cette procédure qui a commencé il y a dix ans et rien ne dit que la démarche de Mme Bensouda sera menée à ses fins. Trois juges désignés vendredi, dont la réponse n’est pas attendue avant 2018, devront dire s’il existe « une base raisonnable » pour ouvrir l’enquête souhaitée par la procureure. Il reste que cette demande de la procureure apparait comme un progrès pour une Cour accusée à juste titre d’épargner les grandes puissances. Comme le dit dans JusticeInfo, Guissou Jahangiri, vice-présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) : « depuis des générations, les Afghans ont souffert des crimes internationaux commis dans leur pays, où il n’y a jamais eu ni paix, ni de réel mécanisme d’établissement des responsabilités, y compris devant les juridictions nationales ».
Tunisie, RDC
Hésitation encore de la justice transitionnelle : la Tunisie où le Parlement a finalement adopté une loi controversée blanchissant les fonctionnaires corrompus sous l’ancien régime. Ce texte voulu par le Président Béji Caied Essebsi est une version amendée de la loi initiale devant les oppositions de la société civile. Mais, la fronde continue et les ONG critiques de ce qu’elles voient comme une forme d’amnistie ne veulent pas abdiquer devant le fiat présidentiel.
Recul manifeste de la justice transitionnelle, l’officialisation par le Burundi de son retrait de la CPI. Depuis Bujumbura Louis-Marie Nindorera décrit « la chronique d’un divorce annoncé ». Louis-Marie Nindorera s’interroge sur la réalité d’une compétence de la CPI pour les crimes commis avant ce retrait effectif, expliquant : « Le précédent kenyan a démontré les limites de celle-ci en cas de non coopération d’un Etat, même lorsqu’il ne se retire pas du statut de Rome. Sur la scène intérieure burundaise, chaque issue de sortie bouchée fait monter un peu plus la température dans l’étuve. La perspective d’une révision prochaine de la Constitution pour ouvrir la voie à un quatrième mandat présidentiel consécutif n’a fait qu’apporter une dose de toxicité à l’air, déjà chargé d’un silence lourd, pesant et audible ».
Espoir ténu néanmoins pour la justice en République Démocratique du Congo où une avocate Catherine Furaha raconte son combat pour que les violences sexuelles soient jugées et punies. Présidente de l’Association femmes juristes pour la défense des droits de la femme et de l’enfant (FJDF), une Ong locale, Maitre Furaha explique : « En matière de lutte contre les violences sexuelles, le Congo tient de bons discours, a de bonnes lois, c’est un Etat qui a de bons programmes… Malheureusement, les réponses ou résultats sont très loin de nos attentes. Un auteur commet l’acte de viol, il passe aux aveux devant le tribunal et le juge le condamne à une année avec sursis ! C’est une bonne manière de se moquer des programmes et discours que nos dirigeants tiennent. C’est se moquer de la loi, de la justice, de la victime, voire de la personne humaine ».
Pour terminer citons le témoignage recueilli par notre correspondant Claude Munhindo Sengenya de Julie, jeune Congolaise enlevée par une milice et transformée en esclave sexuelle des mois durant : « « A notre arrivée dans leur le camp, en pleine brousse, l’on nous distribua aux combattants. Ils abusaient de nous sexuellement chaque nuit et nous finîmes par tomber enceintes». Une de ses compagnes Marie est aussi tombée enceinte et a été contaminée par le virus du SIDA. « J’ai accouché d’un garçon. Mais quel avenir pour moi et pour lui? Je sais comment les personnes atteintes du VIH-SIDA finissent leur vie, c’est très horrible. Je n’ai plus envie de vivre. Si je pouvais faire appel à la mort, je le ferais ».