Un documentaire sur les crimes commis au Mexique sera diffusé sur Arte le 27 novembre prochain. Il raconte l’histoire d’une plainte déposée par un groupe d’ONG mexicaines et internationales sur le bureau de la procureure de la Cour pénale internationale en juillet 2017 et le long parcours d’une justice aux allures d’un impossible combat.
C’était le 6 juillet 2017 à La Haye. Un évêque mexicain, deux avocats, et une militante de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) se rendaient une nouvelle fois à la Cour pénale internationale (CPI). Les militants dénonçaient des crimes contre l’humanité perpétrés au Mexique au nom de la guerre contre la drogue initiée en 2006 et dont le bilan s’élève à 200 000 victimes et au moins 36 000 disparus. La première communication, qu’ils avaient déposée quelques mois plus tôt, avait été recalée par le bureau du procureur : si grave soit elle, cette guerre contre la drogue relève de violations des droits de l’Homme mais pas de crimes contre l’humanité, leur signifiait-on. Mais ce jour de juillet 2017, c’est armés de nouveaux témoignages, de centaines de pièces et, espèrent-ils, des preuves de l’existence d’une véritable politique criminelle, alliant les autorités aux cartels, qu’ils espèrent convaincre la Cour.
« Mexique, Justice pour les disparus »
Pendant huit mois, les auteurs de « Mexique, justice pour les disparus », le journaliste d’investigation Patrick Remacle et le réalisateur André Chandelle, ont suivi dans leur quête de justice des avocats et ONG de défense des droits de l’Homme au Mexique et à La Haye. Le documentaire, diffusé sur la RTBF le 7 novembre, et qui sera rediffusé sur Arte le 27 novembre, fait ressentir avec acuité la détresse des familles de disparus face à une bureaucratie mexicaine corrompue. Sur les routes de l’Etat de Coahuila, l’un des plus violents du Mexique, on croise l’avocate Ariana Garcia, qui compile les preuves, escortée 24h/24 de huit gardes du corps. Elle nous emmène à Allende, ville frontière avec les Etats-Unis, où 300 personnes ont été enlevées, le 18 mars 2011, par les Zetas, la branche armée d’un puissant cartel. Ce jour-là, 40 camions remplis d’hommes armés prenaient la ville avec « la participation et le soutien direct de la police municipale ». L’avocate, qui comme tous les témoins de ce documentaire risque sa vie au quotidien, nous emmène aussi sur la route de la prison de Piedras Negras, où en 2011 les Zetas ont fait disparaitre dans l’acide les corps de 150 personnes. Le passage le plus fort de ce documentaire est le témoignage d’un policier, repenti. Un homme qui pourrait être un « insider » parfait pour le bureau du procureur. Son témoignage, glaçant, est diffusé sur des images de la salle d’audience de la Cour, vide. Il rappelle qu’à La Haye ou au Mexique, il n’y a pas, aujourd’hui, de juges pour entendre la plainte des proches des disparus.
La CPI, levier pour mettre fin l’impunité au Mexique
Sur les routes du Mexique, au fil des témoignages, on comprend que les victimes et leurs avocats réclament un geste de la Cour. L’ouverture, et l’annonce, d’un examen préliminaire – cette étape préalable à l’enquête - « pour ouvrir un débat », dit l’avocat José Guevara. User de la Cour comme d’un levier pour forcer les autorités mexicaines à rendre justice, et « obtenir la poursuite des responsables au Mexique ». Mais l’inertie de la Cour suscite l’amertume, nourrissant les suspicions. Si les drames décrits par les ONG s’étaient déroulés dans un pays africain, la Cour s’en serait emparée, dit l’un des acteurs, qui rappelle que le Mexique est un contributeur important au budget de la Cour. L’écrivain Janvier Sicilia, qui a lâché la plume après l’assassinat de son fils par des narco trafiquants, parle de complicité. « Je pense que si la communauté internationale ne prend aucune mesure dans ce pays et dans d’autres, afin que ce pays retrouve la paix et la justice, ils seront alors complices de ce crime ».