Professeur d'économie aux manières policées, Jadranko Prlic fut un des dirigeants de la "Herceg-Bosna", entité autoproclamée pendant la guerre de Bosnie par des nationalistes croates, un rôle qui lui vaut d'être en prison depuis 2004.
Condamné en 2013 à 25 ans de prison en première instance par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), celui qui fut notamment "Premier ministre" de l'entité est jugé en appel mercredi avec cinq autres ex-chefs de la "République croate d'Herceg-Bosna" dont son ancien "ministre de la Défense" Bruno Stojic.
Tout comme Franjo Tudjman, décédé avant d'avoir pu être inculpé, ils avaient été reconnu coupable d'une "entreprise criminelle commune" pour imposer une domination croate.
L'image la plus symbolique de la guerre dans la guerre qui opposa en 1993 et 1994 Croates catholiques et Bosniaques musulmans, fut la destruction du "Stari Most", pont ottoman de Mostar, ville multiethnique, encore aujourd'hui peuplée pour moitié de Bosniaques musulmans et de Croates catholiques.
Mais il y eut aussi les transfèrements massifs de population bosniaque pour créer une "grande Croatie", les meurtres et les viols comme outils d'épuration ethnique, les camps où les prisonniers étaient traités dans des conditions inhumaines.
Le premier "président" de la Herceg-Bosna, Mate Boban, est mort en 1997 d'une crise cardiaque, laissant Prlic comme le plus haut responsable à devoir répondre de cet épisode.
"Ce procès, c'est la face sombre de la justice internationale", a dit en mars au TPIY ce docteur en économie de 58 ans, aux fines lunettes cerclées, qui répondent plus au stéréotype du cadre bancaire que du criminel de guerre.
Cadre du parti communiste à la fin de l'ère titiste, il fut l'un des plus jeunes à avoir obtenu son doctorat en Yougoslavie, diplôme reçu avec les honneurs à Sarajevo. Des débuts qui annoncent une carrière brillante pour ce chercheur, enseignant à l'université de Mostar, puis invité dans des universités en Grande-Bretagne, en Italie ou aux Etats-Unis.
- 'Pas un extrémiste' -
Dans ce pays, il refuse même un emploi: "Le principal critère a été la qualité de vie à Mostar, meilleure que n'importe où aux Etats-Unis", expliquera-t-il. Il en sera d'ailleurs le maire avant la guerre.
"Nous avons des nationalistes", a-t-il reconnu en janvier 1996 dans un entretien à l'AFP. "Mais nous sommes une très petite nation", poursuivait-il. Et "qui était dans la situation la plus périlleuse durant la guerre ? Moi. Parce que je n'étais pas un extrémiste."
Si les Croates se sont battus, cela n'aurait été selon lui que pour se protéger: "Les mesures prises par le camp musulman ont conduit à une insécurité des Croates en Bosnie", a-t-il dit à la Cour. "J'aurais probablement fait certaines choses différemment. Mais de manière générale, je crois que j'ai toujours été où je devais être", a-t-il dit en 2002.
Négociateur de l'accord de Dayton, sa carrière avait semblé reprendre son cours brillant après la guerre. De 1996 à 2001, il est ministre des Affaires étrangères de la Bosnie. Fondateur d'un parti pro-européen qui fera long feu, il se donne une image de modéré, qui vole en éclats avec son inculpation par le TPIY et sa reddition en 2004.
En prison, il a écrit un ouvrage de 2.000 pages sur l'histoire de la Herceg-Bosna.