L’adoption par l’Union africaine d’un Statut pour le Fonds fiduciaire au profit des victimes des crimes d’Hissène Habré marque un développement important en faveur de la justice. Le Fonds sera désormais en mesure de commencer à collecter et débourser les réparations dues aux victimes du régime Habré.
Ce développement a été salué par quatre organisations de défense des droits de l’Homme : Human Rights Watch, REDRESS, l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH) et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO).
« Bien que la décision sur les réparations ait été un moment fondamental dans la lutte des victimes de Habré pour la justice, des mots seuls ne peuvent remédier à leurs souffrances », a déclaré Rupert Skilbeck, directeur de REDRESS. « Les victimes ne peuvent attendre davantage et devraient recevoir les moyens de rebâtir leurs vies. »
Des milliers de victimes ont participé aux procédures judiciaires contre Habré, qui a présidé le Tchad de 1982 à 1990 et imposé un règne de terreur. Les victimes ont sollicité des réparations pour les violations massives de droits de l’Homme qu’elles ont subies. Les Chambres africaines extraordinaires (CAE) ont le 30 mai 2016 condamné Habré à l’emprisonnement à vie.
La Chambre d’appel des Chambres africaines extraordinaires avait confirmé en avril 2017 le jugement en première instance et avait ordonné Habré à verser 82 milliards de francs CFA (environ 154 millions de dollars US) aux victimes. De plus, 3 489 victimes qui n'avaient pas fourni une preuve suffisante de leur identité auprès des CAE pourront également demander au Fonds de déterminer leur éligibilité.
« Les victimes de Habré ont dû se battre sans relâche pendant 25 ans avant qu’il ne soit enfin traduit devant un tribunal », a déclaré Reed Brody, Conseil juridique à Human Rights Watch qui travaille auprès des victimes depuis 1999. « Les victimes de Habré n’ont toutefois pas encore reçu un seul centime de réparation. »
L’Union africaine a adopté le Statut durant son sommet à Addis Abada en Ethiopie du 28 au 29 janvier 2018. Une résolution du sommet en juillet 2016 avait créé le Fonds mais les victimes attendaient depuis lors qu’il ne commence ses activités. Le Fonds fiduciaire au profit des victimes a été mandaté de rechercher et recouvrir les avoirs de Habré et de solliciter des contributions volontaires des Etats ou d’autres parties.
« Depuis le délivré du verdict final des CAE, plusieurs victimes sont malheureusement décédées avant de pouvoir recevoir leurs réparations », a déclaré Me Jacqueline Moudeina, Présidente de l’ATPDH et avocate des victimes de Habré. « L’établissement et l’opérationnalisation du Fonds dans un délai raisonnable pourrait enfin achever le long combat des victimes pour la justice. »
Selon les organisations signataires, l’Union africaine et des Etats à titre individuel devraient fournir le soutien financier, technique et politique nécessaire au Fonds afin que celui-ci devienne opérationnel le plus tôt possible et qu’il puisse exécuter son mandat, jusqu'à ce que les victimes aient reçu leurs réparations.
Les gouvernements devraient également coopérer avec les demandes d’assistance du Fonds et de soutenir ce dernier dans le recouvrement des avoirs de Habré. Seul un nombre limité de ses avoirs a été identifié jusqu'à présent, y compris une propriété immobilière et deux modestes comptes en banque au Sénégal.
Les organisations ont également souligné que le Fonds doit être indépendant, transparent et efficace afin de jouir de la confiance des victimes. Par ailleurs, les victimes devraient être entendues et véritablement consultées sur les méthodes de mise en œuvre des réparations qu'elles souhaiteraient.
L’ATPDH et REDRESS ont souligné ces questions ainsi que d’autres dans un document soumis à l’Union africaine en avril 2017 sur la mise en œuvre du fonds.