La Mission de l’ONU en Centrafrique (Minusca) affirme haut et fort qu’elle ne se prêtera à aucun marchandage avec le chef de guerre Ahmat Bahar, dont le Mouvement national pour la libération de la Centrafrique (MNLC), une nouvelle milice, fait régner la terreur dans une partie du nord-ouest du pays.
Au début du mois, la force de l'ONU a sommé le général Bahar et ses éléments de quitter sans condition les localités sous leur contrôle dans la sous-préfecture de Ngaoundaye, dans l'Ouham Péndé (Nord-ouest), rapporte Radio Ndeke Luka sur son site internet. La sommation faisait suite à une lettre du MNLC aux autorités locales, exigeant des parents d'élèves de verser une somme de 2500 F Cfa par élève, sous peine de voir leurs enfants pris en otage dans leurs écoles.
Face à la fermeté de la mission de l’ONU et du gouvernement centrafricain, le MNLC, une milice nouvellement créée, a changé de stratégie en conditionnant son retrait à l’intégration de ses combattants au programme national de désarmement-démobilisation-réinsertion et rapatriement (DDRR).
« Aucun groupe armé ne doit conditionner quoi que ce soit. Si on regarde leur parcours, ils sont tous impliqués dans les violences qui ont causé beaucoup de pertes en vies humaines », a vertement réagi Vladimir Monteiro, porte de la Minusca, cité par Radio Ndeke Luka. « Le gouvernement est très clair : il y a quatorze groupes armés qui sont déjà engagés dans le processus DDR », a poursuivi Monteiro, pour qui « aucun groupe armé ne peut faire du chantage pour exiger son intégration dans le processus ». « Ce serait ouvrir la porte à une multiplication de groupes armés (…) Le DDR ne doit pas servir de moyens qui permettraient à tout nouveau groupe de pouvoir revendiquer quoi que ce soit », a-t-il conclu.
Depuis plusieurs semaines, les éléments armés du MNLC dictent leur loi aux populations des localités encore sous leur contrôle, rapporte Radio Ndeke Luka, faisant état de menaces, tortures, rackets, incendies de maisons et assassinats au quotidien.
Le MNLC a tenté de faire chanter Minusca et gouvernement alors que Bangui mettait la dernière main sur les préparatifs de la cérémonie d’intégration au sein des Forces armées de la première vague d’anciens membres de groupes armés, formés dans le cadre du projet pilote DDRR qui avait été lancé le 30 août 2017.
« Je suis prête à servir mon pays »
Le 5 février, en effet, 101 ex-combattants ont officiellement revêtu l’uniforme des Forces armées centrafricaines (FACA) au terme d’une formation dans un camp militaire de Bangui, selon un communiqué de la Minusca.
Dans son allocution de circonstance, le Général Herminio Maio, chef de la mission militaire de formation de l'Union européenne en RCA (EUTM-RCA), s’est dit honoré d’avoir assuré la formation de cette première vague d’ex-combattants : « Cette journée est historique car elle marque un tournant décisif dans le processus de réconciliation nationale par la formation de ces militaires issus de différents groupes. Nous avons ici des soldats formés au savoir-faire républicain et attachés au droit international humanitaire ».
Le président Faustin-Archange Touadera, présent en personne à la cérémonie, a aussi fait part de sa satisfaction : « Je mesure à sa juste valeur la portée de cet évènement. Avant d’aborder le vaste chantier du DDRR, il fallait commencer par un projet pilote (…) et je mesure avec satisfaction la dimension de l’évènement d’aujourd’hui ».
Le chef de l’Etat centrafricain a exhorté ses concitoyens à plus de patience pour l’aboutissement du DDRR. « Il faut l’implication de tous, une dose de patience et une bonne volonté pour réussir nos paris », a-t-il dit, rappelant que « beaucoup de stratégies avaient été essayées dans les années précédentes, mais sans réels succès ». Trois programmes de DDRR ont été menés en Centrafrique en 2003, 2008 et 2013 sans réel résultat.
Touadéra a enfin appelé ces nouveaux éléments des FACA à montrer au peuple centrafricain qu’ils sont « désormais les garants de leur sécurité et des soldats formés, respectueux du droit international ». Fière dans son uniforme flambant neuf, Tabela Felicia, nouvelle recrue, a répondu à l’appel du président : «J’ai appris la discipline et cela a vraiment changé ma vision des choses ; et je suis prête à servir mon pays avec honneur et à tourner la page du passé ».