Pour la présentation de son dernier rapport annuel comme Haut-Commissaire, Zeid Ra’ad Al Hussein a pointé devant le Conseil des droits de l’homme une série de crimes de masses qui nécessiterait la mise en place de commissions d’enquête ou la saisine de la Cour pénal internationale ou d’autres tribunaux habilités à agir au nom de la compétence universelle.
Son mandat de 4 ans s’achève cet été. Et le Jordanien Zeid Ra’ad Al Hussein n’a pu que dresser un tableau alarmant de la situation des droits de l’Homme sur l’ensemble des continents. La réaffirmation des rapports de force brutaux entre puissances agite une planète marquée par une crise, voire une régression démocratique de plus en plus sensible, y compris au sein des démocraties libérales les mieux établies, 70 ans après l’adoption en 1948 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Passant en revue plus de 60 pays, le Haut-commissaire aux droits de l’homme a pointé des violations particulièrement graves et massives pour inciter les 47 membres du Conseil des droits de l’homme (CDH) à soutenir la Cour pénale international (CPI) dans ses enquêtes, à demander sa saisine ou à mettre en place ou prolonger des commissions d’enquêtes
La Syrie figure en tête de liste. Abondamment citée par la centaine de dirigeants, ministres et ambassadeurs durant la première semaine de cette 37e session du CDH, sujet d’une réunion extraordinaire vendredi dernier au sein du CDH, au vu des derniers développements d’une guerre qui n’en finit pas de finir, la Syrie sombre comme jamais, selon le Haut-Commissaire: «Ce mois-ci, c'est la Ghouta oriental qui est, selon les mots du Secrétaire général (de l’ONU), l'enfer sur terre; le mois prochain ou le mois suivant, ce sera un autre endroit (en Syrie) où les gens feront face à une apocalypse - une apocalypse voulue, planifiée et exécutée par des individus au sein du gouvernement, apparemment avec le plein appui de certains de leurs partisans étrangers. Il est urgent d'inverser cette tendance catastrophique et de renvoyer la Syrie devant la Cour pénale internationale.»
Global human rights update: #Zeid on #Syria. Full text here: https://t.co/HVMf1WrXd9 pic.twitter.com/ZpeXHQiM0O
— UN Human Rights (@UNHumanRights) March 7, 2018
Autre situation particulièrement grave: la Birmanie (Myanmar). «Mon Bureau soupçonne fortement que des actes de génocide aient pu être commis dans l'État de Rakhine depuis le mois d'août dernier, a-t-il rappelé. En attendant le rapport final de la Mission d'établissement des faits, je recommande à nouveau que le Conseil demande à l'Assemblée générale de créer un nouveau mécanisme indépendant et impartial pour préparer les procédures engagées devant les tribunaux à l'encontre des responsables.»
Autre point chaud, la Libye est abordée à double titre: «Au cours de ma mission là-bas, en octobre, j'ai été alarmé par l'anarchie presque totale dans tout le pays, avec une impunité presque totale pour les crimes les plus graves. J'encourage tous les États à appuyer l'enquête de la Cour pénale internationale sur les crimes contre l'humanité commis dans le pays.»
Un pays également cité dans son évocation des politiques migratoires pratiquées par les pays européens: «J'insiste sur le fait que les mesures qui, en fait, externalisent les frontières de l'Union européenne mettent en danger les droits de l'homme des migrants, en sous-traitant leur protection à des États disposant souvent de moins de ressources. Le soutien apporté aux garde-côtes libyens par l'UE et certains de ses États membres en est un exemple. L'UE et ses membres doivent revoir l'approche qu'ils adoptent en Méditerranée, afin de s'assurer qu'ils ne soutiennent pas indirectement le retour des migrants en Libye, où ils courent un risque réel de torture, de violences sexuelles et d'autres violations graves.»
Ailleurs sur ce continent, le Haut-commissaire interpelle le gouvernement de la République centrafricaine: «L'espoir de réconciliation nationale continue d'être miné par la violence des groupes armés. J'exhorte les autorités à rendre opérationnel sans plus tarder le Tribunal pénal spécial, parallèlement aux procès en cours devant les tribunaux d'assise, afin de répondre aux appels du peuple en faveur de la justice.
Concernant la Corée du Nord, «je reste convaincu que la situation devrait être renvoyée devant la Cour pénale internationale. Conformément à la résolution 34/24 du Conseil de sécurité, le Haut-Commissariat va de l'avant avec un projet de responsabilisation visant à documenter les violations des droits de l'homme, en particulier celles qui peuvent constituer des crimes contre l'humanité.»
En Asie toujours, le haut-commissaire a rappelé que la CPI a annoncé son intention d’enquêter sur les violations commises dans les Philippines de Rodrigo Duterte engagé dans une répression sanglante au nom de la lutte contre le trafic de drogues: «Je déplore la déclaration faite la semaine dernière par le Président Duterte devant les unités de police d'élite, dans laquelle il a déclaré qu'elles ne devraient pas coopérer " en matière de droits de l'homme, quel que soit l’enquêteur", et la diffamation persistante du Rapporteur spécial du Conseil sur les exécutions extrajudiciaires perpétrées par les autorités.»
Au Sri Lanka, les violences persiste à l’égard des minorités, alors que le gouvernement fait bien peu de progrès dans l’établissement de mécanisme de justice transitionnelle: «En l'absence de tels progrès, j'encourage les États Membres à étudier la question de l'utilisation de la compétence universelle.»
Quant au Venezuela en plein effondrement politique, sociale, alimentaire et sanitaire, Zeid Ra’ad Al Hussein a notamment souligné: «La malnutrition a considérablement augmenté dans l'ensemble du pays, affectant en particulier les enfants et les personnes âgées, et des rapports crédibles indiquent que les programmes d'aide gouvernementale sont souvent conditionnés par des considérations politiques. Je suis également profondément alarmé par la possibilité que des crimes contre l'humanité aient été commis et par l'érosion des institutions démocratiques (…) Je suis profondément troublé par l'exode croissant des Vénézuéliens de leur pays, dont beaucoup cherchent à accéder à la nourriture et aux services de base. Une fois de plus, j'encourage le Conseil à envisager de mandater une commission d'enquête pour enquêter sur les violations des droits de l'homme au Venezuela.»