Trois activistes de la société civile du Burundi, accusés d'"atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat", ont été condamnés en leur absence à 10 ans de prison chacun jeudi par le tribunal de Muramvya (centre), a-t-on appris vendredi de sources concordantes.
Emmanuel Nshimirimana, représentant dans la province de Muramvya de Paroles et actions pour le réveil des consciences et l'évolution des mentalités (Parcem), une organisation militant notamment pour la bonne gouvernance, et deux de ses collaborateurs locaux, Aimé Constant Gatore et Marius Nizigiyimana, avaient été arrêtés en juin 2017.
"Le TGI de Muramvya a condamné hier (jeudi) les trois membres de l'organisation Parcem à 10 ans de prison", a annoncé à l'AFP un autre activiste présent à Muramvya, qui a requis l'anonymat.
Les juges ont annoncé ce verdict jeudi alors qu'ils siégeaient dans une autre affaire et en l'absence des accusés et de leurs avocats, a-t-il précisé.
"C'est la première fois dans l'histoire que des membres de la société civile au Burundi sont condamnés de cette manière. C'est un signe que le pouvoir ne tolère plus la société civile dans notre pays", a réagi Gabriel Rufyiri, l'une des principales figures de la société civile burundaise.
Cette information a été confirmée à l'AFP par une source judiciaire à Muramvya, ainsi que par Faustin Ndikumana, le président de Parcem, qui a ajouté: "nos amis n'ont pas encore été notifiés officiellement, mais c'est confirmé malheureusement".
Le procureur avait requis le 5 janvier entre 20 ans et 25 ans de réclusion contre les trois hommes, accusés d'avoir "préparé des actions de nature à perturber la sécurité".
Ils avaient été arrêtés en possession de documents en vue de l'organisation d'un atelier national sur la violation des droits de l'Homme. La justice leur reproche "le fait que ces documents citaient (...) les militants de partis d'opposition et omettaient ceux qui appartiennent au parti au pouvoir", avait alors expliqué M. Ndikumana.
"Le procureur a argumenté en disant que le fait de travailler uniquement avec l'opposition est la preuve qu'ils cherchaient à perturber la sécurité" du pays, avait-il ajouté.
"Parcem est pratiquement l'une des dernières organisations indépendantes qui était tolérée jusqu'ici; ce verdict est un signal fort envoyé par le pouvoir pour dire qu'il ne tolère plus la moindre critique", a regretté un diplomate en poste à Bujumbura, parlant sous couvert d'anonymat.
Le Burundi traverse une grave crise politique depuis que le président Pierre Nkurunziza a annoncé en avril 2015 sa candidature à un troisième mandat controversé et sa réélection en juillet de la même année.
La crise a poussé à l'exil les leaders d'opposition, les grandes figures de la société civile et une centaine de journalistes indépendants. Depuis, les radios et ONG locales sont soumises à de fortes pressions et leur personnel souvent harcelé.
Les violences qui ont accompagné la crise auraient fait au moins 1.200 morts et déplacé plus de 400.000 personnes entre avril 2015 et mai 2017, d'après les estimations de la Cour pénale internationale (CPI), qui a ouvert une enquête.