La présidente mauricienne Ameenah Gurib-Fakim, impliquée dans un scandale financier, s'est résolue samedi à démissionner "dans l'intérêt national", a annoncé son avocat, au terme d'un bras de fer avec le Premier ministre, qui réclame son départ depuis une semaine.
Seule femme chef d'Etat en Afrique, Mme Gurib-Fakim était sous forte pression depuis deux semaines, à la suite de révélations sur des achats personnels réglés à l'aide d'une carte bancaire fournie par l'ONG Planet Earth Institute.
Cette scientifique et biologiste de renommée internationale, première femme à occuper la fonction honorifique de la présidence dans l'histoire de l'île Maurice, a reconnu les faits, tout en affirmant avoir utilisé la carte par "inadvertance", et avoir remboursé l'argent à PEI.
"La présidente a soumis sa démission dans l'intérêt national", a déclaré à la presse son avocat, Yousouf Mohamed, précisant qu'une lettre a été adressée à cet effet à la présidente de l'Assemblée nationale, et que la démission prendra effet le 23 mars.
Cette démission a été confirmée à l'AFP par une source travaillant au bureau de la présidente mauricienne.
"Après les attaques et les calomnies qu’elle a subies (...), elle est soulagée", a ajouté l'avocat Yousouf Mohamed.
Car la démission de Mme Gurib-Fakim, 58 as et en poste depuis juin 2015, met un terme au feuilleton politique qui agite cet archipel de l'océan Indien depuis la publication par le quotidien mauricien l'Express de documents bancaires démontrant que la présidente avait utilisé à des fins personnelles une carte bancaire remise par PEI.
Le montant des dépenses (bijoux, chaussures de marque...) s'élève à au moins 25.000 euros, selon le quotidien. La présidente évoque, elle, un montant de 26.000 dollars (21.000 euros).
L'affaire fait aussi scandale car elle implique le milliardaire angolais Alvaro Sobrinho, un homme d'affaires controversé qui finance PEI et qui depuis 2015 a tenté plusieurs fois d'investir à Maurice, selon l'Express, ce qui avait déjà déclenché des polémiques et des appels de l'opposition à la démission de Mme Gurib-Fakim.
C'est le vice-président Paramasivum Pillay Vyapoori qui devient président à la suite de la démission de Mme Gurib-Fakim. Le gouvernement pourra le confirmer dans cette fonction ou nommer quelqu'un d'autre avec l'aval du Parlement.
- 'Déplorable et indigne' -
A la suite de ces révélations, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait annoncé le 9 mars que la présidente démissionnerait de ses fonctions "peu après les célébrations du 50e anniversaire de l'indépendance", qui ont eu lieu lundi, et avant la rentrée parlementaire, le 27 mars.
Mais Mme Gurib-Fakim avait répliqué mercredi que, "n'ayant rien à se reprocher et pouvant apporter des preuves corroborantes", elle refusait de démissionner. Elle avait alors expliqué avoir remboursé non seulement ses dépenses personnelles, mais aussi "toutes les autres dépenses engagées par PEI pour sa mission".
Dans un court message publié sur son site internet, PEI, une ONG basée à Londres, a confirmé que la présidente mauricienne avait bien remboursé les sommes concernées.
Après que M. Jugnauth eut qualifié jeudi de "déplorable et indigne" la volonté de Mme Gurib-Fakim de s'accrocher à la présidence, cette dernière a tenté une dernière offensive politique vendredi en annonçant la création d'une commission d'enquête devant faire la lumière sur cette affaire.
La commission devait enquêter notamment sur les éventuelles activités du milliardaire angolais Alvaro Sobrinho à Maurice, ainsi que sur l'utilisation de la carte bancaire de PEI.
Mais le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a aussitôt déclaré cette annonce de "nulle et non avenue" alors que les juristes ont évoqué une mesure anticonstitutionnelle, ce qui, selon les observateurs de la vie politique mauricienne, a précipité la démission de Mme Gurib-Fakim, à court d'options face à la perspective d'une très probable procédure de destitution.
Alors que le gouvernement et les partis de la majorité n'ont pas encore réagi à cette démission, le leader de l'opposition, Xavier-Luc Duval, a évoqué "un jour noir pour le pays".
D'autres membres de l'opposition, comme Reza Uteem, leader adjoint Mouvement militant mauricien, a accueilli favorablement la démission, qui a évité au Premier ministre de présenter une motion de destitution au Parlement. "Malgré la démission de la présidente, nous insisterons pour qu'il y ait une commission d'enquête avec pleins pouvoirs pour faire la lumière sur l'affaire Sobrinho".
jmp/ndy/j