Tribun ultranationaliste volontiers provocateur, Vojislav Seselj, condamné mercredi pour crimes contre l'humanité, incarne les rêves de "Grande Serbie", un projet politique auquel il reste fidèle malgré les guerres sanglantes des années 1990.
Il a accueilli sa condamnation à dix ans de prison avec le sens de l'outrance dont il est coutumier: "Je suis fier des crimes qui me sont imputés et prêt à les répéter à l'avenir", a-t-il dit à l'AFP, dans une déclaration au téléphone.
Un tribunal de l'ONU a infirmé en appel l'acquittement surprise dont avait bénéficié en 2016 ce colosse de 63 ans. Il ne retournera toutefois pas en prison: sa peine est couverte par ses douze ans de détention entre février 2003, quand il s'est livré, et novembre 2014, quand il a été libéré pour raisons de santé.
Dans le style qui lui est propre, il avait expliqué à la presse serbe qu'il ferait comme d'habitude sa sieste au moment de la lecture du délibéré. Il était redevenu député en 2016, dans la foulée de la décision du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY).
Pendant les guerres qui ont conduit à la désintégration de la Yougoslavie, Seselj n'était pas un combattant. Mais pour le procureur du TPIY, Serge Brammertz, il a empoisonné les esprits, notamment ceux des paramilitaires serbes, avec ses discours enflammés prônant une union de "tous +les territoires serbes+ au sein d'un même Etat qu'il appelle la 'Grande Serbie'".
La silhouette a forci, les cheveux ont blanchi, le costume de député a remplacé le treillis militaire qu'il affectionnait de porter durant les années de poudre. Mais les idées demeurent: "Nous ne renoncerons jamais à la Grande Serbie", a dit à l'AFP Vojislav Seselj avant le verdict.
Sitôt rentré en Serbie, il a renoué avec la rhétorique nationaliste. "Je ne me sens coupable de rien", déclare-t-il après son acquittement de première instance.
Il montre alors très vite que son sens de la provocation est intact: lors de la campagne législative de 2016, il explique qu'il érigerait un mur pour empêcher tout afflux de migrants: "C'est ce que vous faites si votre frontière est menacée (...) et si les barbelés ne suffisent pas, vous mettez des champs de mines".
- Influence anecdotique -
Cette violence verbale a provoqué l'interruption à plusieurs reprises de son procès à La Haye. Comme quand Seselj expliquait sentir une odeur de gaz dans le tribunal lorsqu'un juge allemand entrait dans la salle.
Ces provocations lui valent l'admiration de ses partisans. Mais les municipales à Belgrade en mars, où il a recueilli moins de 3% des suffrages, montrent une influence désormais anecdotique.
Rien à voir avec son poids politique des années 1990. Né le 11 octobre 1954 à Sarajevo, Seselj se lance en politique dans les années 1980. Il se fait une réputation d'orateur talentueux, usant d'une rhétorique populiste qui lui apporte le soutien des anticommunistes.
A une époque où, selon les préceptes titistes, l'expression des particularismes nationaux est réprimée, ses idées qualifiées d'"anarcho-libérales et nationalistes", lui valent deux ans en prison et un statut de dissident.
- 'Intégration avec la Russie' -
En 1990, le communisme s'effondre en Europe, il crée son parti des Radicaux serbes, le SRS, et incite ses partisans à se porter volontaires pour défendre la cause des Serbes de Croatie et de Bosnie, où les armes commencent à parler quelques mois plus tard.
Fidèle à son image, il menace les ennemis des Serbes de les "égorger à l'aide d'une cuillère rouillée". En 1992, il brandit un pistolet à la sortie du Parlement à Belgrade. Et en 1998, il est nommé vice-Premier ministre par Slobodan Milosevic.
Les deux hommes entretiennent des relations en dents de scie, notamment quand l'homme fort de Belgrade donne des signes d'apaisement à l'Occident. Mais Seselj reste son allié jusqu'à sa chute à l'automne 2000 et s'oppose avec virulence à sa livraison en 2001 à la justice internationale.
Son parti est resté le plus gros du pays jusqu'en 2008 quand ses protégés, Tomislav Nikolic et surtout Aleksandar Vucic, effectuent une brutale conversion au centrisme pour conquérir le pouvoir. Ils quittent le SRS pour créer le Parti progressiste (SNS, centre droit).
Premier ministre puis président, Aleksandar Vucic prône une adhésion à l'Union européenne. Seselj veut une "intégration avec la Russie et une union militaire la plus étroite possible". "C'est notre salut", dit à l'AFP ce père de quatre fils.