La Cour militaire du Sud-Kivu a condamné l’ex-chef de milice Maro Ntumwa, alias Marocain, à 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis à Kalehe, en province du Sud-Kivu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) mais nombre de victimes écartées des réparations se disent déçues.
. Le verdict est tombé ce samedi 28 avril à Kalehe où se tenaient depuis le 13 avril dernier les audiences foraines. Cet ancien bras droit de l’ex-colonel Bedi Mobuli Engengela alias «colonel 106» a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité par viols, traitement cruel, inhumain et dégradant et crimes contre l’humanité par esclavage sexuel, pillages et attaques contre les populations civiles. Des faits essentiellement commis à l’encontre des jeunes filles entre 2005 et 2007, alors que Maro Ntumwa, alias Marocain était aux cotés de l’ex-colonel Bedi Mobuli Engengela alias «colonel 106», aux commandes d’une milice locale Mai-Mai. Au-delà de la peine de 20 ans de prison, la Cour somme Ntumwa alias Marocain à verser 5 000 dollars américains à chacune de victimes de viols et esclavages sexuels, et 2 000 dollars à celles d’attaques.
Déception des parties civiles
Pour ce procès, 98 victimes se sont constituées en parties civiles pour réclamer justice et réparation. Mais dans son verdict, la Cour militaire du Sud-Kivu n’a accepté qu’une dizaine comme pouvant bénéficier de l’indemnisation, arguant que d’autres ont déjà été reconnues bénéficiaires dans le cadre du procès de l’ex-colonel Bedi Mobuli Engengela alias «colonel 106», patron de Maro Ntumwa alias Marocain, condamné lui à perpétuité en décembre 2014, pour crimes contre l’humanité. Ce qui ne convainc pas les parties civiles. «C’est anormal qu’on écarte d’autres victimes pour l’indemnisation au motif qu’elles ont comparu dans le dossier 106. Cet argument ne tient pas parce que deux personnes peuvent causer préjudice à une personne. La justice doit comprendre que ces victimes écartées ont subi des préjudices orchestrés et par le colonel 106 (ex-colonel de l’armée congolaise Bedi Mobuli Engengela, Ndlr), et par le Marocain (Maro Ntumwa, Ndlr). Et doivent logiquement bénéficier des réparations de la part de deux bourreaux», a réagit sur fond de colère maitre Sylvestre Bisimwa, porte-parole du collectif d’avocats qui défendent les victimes. L’autre décision de la justice qui déplait les parties civiles, c’est la mise hors cause de l’Etat congolais. En effet, lors des plaidoiries, les parties civiles avaient sollicité que le prévenu Maro Ntumwa soit condamné solidairement avec l’Etat congolais à verser l’équivalent de près de 260 000 dollars américains comme dommages et intérêts aux victimes. Mais les juges ont decidé de mettre hors cause l’Etat congolais, indiquant que lors de la commission des faits, Maro Ntumwa n’était pas sous-contrôle de l’Etat congolais mais agissait plutôt au compte d’une milice. Les parties civiles estiment plutôt elles que l’Etat congolais est civilement responsable au motif qu’il a, lors de la commission des crimes, failli à son devoir de protéger les populations civiles. «Lors que les populations sont attaquées et que l’Etat n’intervient pas, l’Etat est fautif. Car il a une mission ou un devoir de garantir la sécurité et la protection à ses citoyens. Et lors qu’il ne le fait pas, il doit être condamné comme civilement responsable», a expliqué à Justiceinfo.net maitre Sylvestre Bisimwa. Ainsi les parties civiles comptent aller en appel pour permettre aux victimes d’obtenir satisfaction. Signalons que sur les 98 victimes qui se sont constituées en parties civiles, seule une vingtaine a pu faire le déplacement de Bunyakiri à Kalehe, suite aux difficultés d’accès à ce lieu où se sont déroulées les audiences foraines. L’affaire de Marocain n’est pas nouvelle pour la Cour militaire du Sud-Kivu. Car elle a condamné à perpétuité en décembre 2014, le colonel Bedi Mobuli Engengela alias «colonel 106» avec qui le prévenu Maro Ntumwa était impliqué dans la commission des faits, avant d’infliger la même peine, il y a quatre mois, au député provincial Frederick Batumike, pour des crimes contre l’humanité par viols «systématiques et généralisés» commis par les adeptes de sa milice «Jeshi la Yesu» (l’armée de Jésus, en Swahili) contre des jeunes filles à Kavumu.
« Cette condamnation est un signal de plus dans le combat pour la justice dans l’est de la RDC » s’est réjoui Daniele Perissi, responsable du programme RDC chez TRIAL International. « Les autorités judiciaires congolaises ont démontré ici leur détermination à sanctionner les auteurs de crimes graves, même lorsque les faits datent de plus de dix ans. »