La bande de Gaza est le théâtre depuis le 30 mars d'un mouvement, la "marche du retour", qui a culminé lundi avec des affrontements dans lesquels près de 60 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens.
Des clés pour comprendre.
Pourquoi cette mobilisation?
Elle tourne autour du "droit au retour", la revendication des Palestiniens à pouvoir retourner sur les terres dont ils ont été chassés par centaines de milliers à la création d'Israël en 1948. Depuis le 30 mars, "la grande marche du retour" draine ainsi des milliers, parfois des dizaines de milliers de Gazaouis, vers la frontière israélienne.
La protestation vise aussi le blocus imposé depuis plus de dix ans par Israël à Gaza pour contenir le mouvement islamiste Hamas, qui dirige l'enclave et auquel il a livré trois guerres.
La mobilisation est sous-tendue par la dégradation continue des conditions de vie à Gaza, affligée par les guerres, la pauvreté, le chômage, les pénuries et l'enfermement.
L'inauguration de l'ambassade américaine à Jérusalem, lundi, a attisé les flammes.
Que se passe-t-il à la frontière ?
Des foules de manifestants, hommes, femmes et enfants, convergent vers la frontière en plusieurs points de Gaza. Le plus grand nombre se tient à distance de la barrière de sécurité lourdement protégée par l'armée israélienne. Mais des groupes se rapprochent sous le couvert des fumées dégagées par le feu de pneus apportés par camions. Ils lancent des pierres et des bouteilles incendiaires et font rouler ces pneus en flammes vers les soldats. Les cerfs-volants faisant passer des bouteilles incendiaires de l'autre côté de la barrière sont devenus l'un des symboles de la protestation.
Les soldats israéliens ripostent à l'aide de gaz lacrymogènes et de moyens anti-émeutes, à balles réelles contre les Palestiniens jugés trop menaçants.
L'armée israélienne dit redouter le scénario cauchemar de Palestiniens forçant la barrière et s'infiltrant en Israël pour s'en prendre aux populations civiles riveraines, voire enlever un soldat.
Israël, accusé d'usage excessif de la force, dit ne tirer à balles réelles qu'en dernier recours. Mais il répète qu'il protégera par tous les moyens la barrière, ses soldats et sa population.
Depuis le 30 mars, 114 Palestiniens ont été tués, la quasi totalité par des tirs israéliens à la frontière.
A qui la faute ?
La mobilisation est censée avoir démarré à l'initiative de la société civile. Mais le Hamas a été de plus en plus impliqué, au moins dans son accompagnement, au fil des semaines. Il proclame que le mouvement est pacifique. Les milliers de membres de ses forces armées n'ont pas ouvertement sorti les armes.
Mais Israël accuse le Hamas de se servir des manifestations pour mêler des hommes en armes et en civil aux protestataires et tenter de s'infiltrer en Israël ou disposer des engins explosifs le long de la barrière.
Outre la riposte immédiate aux troubles, Israël a commencé à frapper ponctuellement avec son artillerie et son aviation des positions du Hamas, suivant le principe selon lequel le mouvement islamiste est responsable des évènements sur territoire.
Réagissant aux dizaines de morts de lundi, l'Autorité palestinienne a de son côté accusé Israël de "massacre".
Les Etats-Unis, alliés d'Israël, ont accusé le Hamas de "provoquer intentionnellement et cyniquement" la réaction israélienne.
Que dit la communauté internationale ?
Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunit en urgence à 14H00 GMT, à l'initiative du Koweït.
La Ligue arabe doit se réunir en urgence mercredi.
La Turquie et l'Afrique du sud ont rappelé leur ambassadeur en Israël. L'Irlande a convoqué l'ambassadeur israélien à Dublin, le premier pays de l'Union européenne à le faire.
Le président français Emmanuel Macron a condamné les "violences des forces armées israéliennes".
L'UE et Londres ont appelé à la retenue, tout comme Pékin en s'adressant "surtout" à Israël.
Les Etats-Unis ont bloqué lundi soir l'adoption d'un communiqué du Conseil de sécurité qui entendait exprimer son "indignation" "face à la mort de civils palestiniens exerçant leur droit à manifester pacifiquement".
Amnesty International a évoqué des "crimes de guerre" israéliens, tandis que Human Rights Watch (HRW) a parlé d'un "bain de sang que n'importe qui aurait pu voir venir".
Et maintenant ?
Le Hamas a indiqué que le mouvement allait se poursuivre. Khalil al-Hayya, un responsable, a laissé entendre que les groupes armés, officiellement à l'écart de la mobilisation, pourraient s'en mêler, sans qu'il soit possible d'évaluer le sérieux de la menace.
L'armée israélienne s'est dite prête à une poursuite des évènements.
Difficile de prédire l'évolution de la situation. Le Ramadan commence mercredi ou jeudi. L'impact que pourrait avoir le mois de jeûne, synonyme traditionnellement d'un ralentissement des activités, n'est pas mesurable.