Les événements à Gaza et la possible traduction des autorités et responsables israéliens devant un tribunal ont marqué la semaine de la justice transitionnelle. Les violences de lundi 14 mai qui ont fait près de 60 victimes tuées par l’armée israélienne, coïncidant avec l'inauguration controversée à Jérusalem de la nouvelle ambassade américaine, ont continué à susciter l'inquiétude ou la colère à l'étranger. L’état hébreu a été accusé de « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité » alors que les Etats-Unis ont empêché au Conseil de Sécurité qu’une « enquête indépendante » demandée par l’ONU et de nombreux dirigeants soit menée.
De son côté, l’Autorité Palestinienne tente ainsi de référer à la Cour pénale internationale les « crimes de guerre » dont elle accuse Israël. La correspondante de JusticeInfo.net écrit qu’il s’agit d’ « une étape capitale dans le dossier ouvert à la Cour depuis 2015 », ajoutant « la procureure Fatou Bensouda aura dès lors la possibilité d’ouvrir une enquête sans demander le feu vert des juges. Juridiquement plus lourde, la procédure est aussi éminemment plus sensible pour Israël ».
Le 8 avril déjà, la procureure avait déjà mis en garde, expliquant que « toute personne qui incite ou commet des actes de violence, relevant de la compétence de la CPI, est passible de poursuites devant la Cour ». Mais, prudente, elle précisait, « dans le plein respect du principe de complémentarité », selon lequel les Etats ont primauté sur la Cour. Ce qui pourrait permettre une nouvelle fois à Israël d’échapper à la CPI en ouvrant quelques instructions formelles devant sa justice nationale. Constat de Lior Reuven Amihai, directeur de Yesh Din, une ONG israélienne, l’indépendance de la justice est menacée dans l’Etat hébreu. Et d’expliquer : « les partis de droite, les politiciens et les groupes illibéraux et ultra-nationalistes lancent depuis de nombreuses années des campagnes sévères contre les tribunaux qu’ils considèrent comme un obstacle à leurs objectifs politiques. Ces campagnes portent atteinte aux droits humains des Palestiniens dans les Territoires occupés, des citoyens israéliens opposés à la politique du gouvernement ou aux réfugiés venus d’Afrique ».
L'indépendance du Tribunal sur le Liban questionnée
Rien n’illustre mieux ces difficultés de la justice internationale à instaurer une crédibilité réelle que la charge d’un juge suisse Robert Roth contre le Tribunal sur le Liban (TSL chargé de juger les auteurs de l’assassinat de l’homme politique Rafik Hariri en 2005) , dont il fut, dit-il, contraint de démissionner parce que sa femme était juive. Le juge Roth dénonce « les nombreuses pressions au TSL pour procéder à des procès expéditifs par contumace, quitte à sacrifier le respect des droits de la défense et de la qualité de la justice ».
L’affaire qui conduit le juge suisse à démissionner souligne ce manque d’indépendance du Tribunal et de ses responsables. Des journaux libanais « révèlent » que les épouses de membres de ce tribunal dont le juge Roth sont juives. « Le président du TSL, David Baragwanath, de nationalité néo-zélandaise, ne sait comment se dépêtrer de cette situation, d’autant que le TSL a toujours été accusé par le Hezbollah et d’autres d’être le bras juridique de leurs adversaires politiques, dont l’Etat hébreu », écrit JusticeInfo.net. Le TSL ne soutient pas son personnel, et « pour Robert Roth, le constat est clair : via son épouse, il fut victime « d’une discrimination par étiquetage. Ainsi, sous couvert de garantir l’impartialité du Tribunal, on transmet un message clair, destiné sans doute en priorité aux autorités libanaises : aucun acteur majeur de ce Tribunal ne doit avoir un quelconque lien avec le judaïsme ».
L'exemple de la Gambie
Loin de ces convolutions, les victimes du dictateur gambien Yahah Jammeh ont aussi essayé cette semaine de faire entendre leurs voix fragiles et lointaines au Ghana. L’envoyé spécial de JusticeInfo.net à Accra explique : « Découpés à la machette ou à la hache, ou tout simplement fusillés, plus de 50 migrants ouest africains ont péri en Gambie, sous Yahya Jammeh, en juillet en 2005. Treize ans après les faits, plusieurs organisations des droits de l’Hommes sont persuadées que les crimes ont été commis sous les ordres de l’ex-dictateur ce qui peut changer le sort de l’ex homme fort de la Gambie, désormais réfugié en Guinée Equatoriale ». Nombre de ces victimes étaient d’origine ghanéenne et ces organisations des droits de l’homme plaident pour qu’un procès de Jammeh soit tenu à Accra. « Une option plus réaliste, selon Reed Brody, conseiller de Human Right Watch pour qui, la situation juridico-socio-politique en Gambie ne serait pas encore favorable à un procès équitable ».
La Tunisie enfin a montré cette semaine que sa société civile demeurait attachée aux processus de justice transitionnelle. La correspondante de JusticeInfo.net en Tunisie écrit : « Opposées depuis le 17 avril à l’arrêt prématuré des travaux de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), dans moins de deux semaines, trente ONG tunisiennes et internationales continuent à contester cette nouvelle offensive des autorités contre le processus de justice transitionnelle. »
Et d’ajouter : « La société civile ne semble pas prête à lâcher la pression sur les autorités. »