Neuf ans après le massacre de 156 personnes et le viol de plus d’une centaine de femmes lors d’une manifestation au stade de Conakry, la Guinée et ses partenaires tentent de lever les obstacles logistiques et financiers à la tenue d’un procès. Sans pour autant s’emballer, les victimes et leurs avocats saluent ce petit pas, tout en exigeant la requalification des faits en crimes contre l’humanité.
Un « comité de pilotage » chargé d’organiser le procès a tenu sa première réunion le 1er juin, après avoir été mis en place la veille. Divers acteurs s’y côtoient : représentants de la société civile, membres des forces de sécurité, magistrats, représentants de l’ONU, de l’Union européenne, des ambassades de France et des Etats-Unis. Missions assignées au comité : organisation matérielle et technique du procès, recherche des fonds pour sa tenue et pour indemniser les victimes, choix du site qui va l’abriter, sécurité de tous les intervenants.
En présidant cette première réunion, le ministre d’Etat guinéen chargé de la Justice Maître Cheik Sako, a tenu à clarifier les choses : « Le comité ne sera pas là pour juger mais juste pour préparer le procès, le jugement proprement dit revient aux magistrats ». Il a estimé que le procès pourrait durer de 6 à 8 mois mais que la date de démarrage ne serait fixée qu’après le travail préparatoire du comité de pilotage. « Il y a 465 victimes, certains sont à l’étranger et beaucoup sont à Dakar ; donc on va les faire venir », a expliqué Me Cheik Sako.
Côté financement, le ministre a annoncé la première contribution, celle de l’Union européenne, à hauteur de 400.000 euros. Celles des USA, de la France, et de l’ONU sont attendues.
Cette première réunion du comité de pilotage a été saluée par les victimes qui réclament la tenue du procès depuis 9 ans. Pour elles, c’est une avancée notable, même si elles préfèrent rester prudentes jusqu'à la tenue effective du procès. Mme Asmaou Diallo, présidente de l’Association des victimes du massacre du 28 septembre parle d’une « avancée significative vers la tenue du procès ».
Recours contre un non-lieu
Dans la foulée, les avocats de l’Association se sont manifestés, pour, de leur côté, réagir à l’ordonnance de clôture de l’instruction faite par le pool des juges en charge du dossier. Ils dénoncent le non-lieu prononcé en faveur de deux officiers de l’armée guinéenne et membres de la junte militaire au pouvoir au moment des faits. En outre ils réclament la requalification des faits en « crimes contre l’humanité » là, où dans l’ordonnance de renvoi, il est question de « crimes ordinaires ». Me Alimou Barry, un membre du collectif des avocats, rappelle à ce sujet que « le dossier 28 septembre est suivi de près par » la Cour pénale internationale (CPI).
Pour les avocats des victimes, « ces manquements peuvent entacher la bonne tenue du procès en dépit de la volonté affichée par la justice guinéenne avec 15 inculpations dans ce dossier ». Ils annoncent avoir déposé un recours contre le non-lieu et la qualification donnée aux crimes. Ils disent ne pas vouloir « assister à une parodie de justice ».
Le 28 septembre 2009, des milliers de manifestants s’étaient rassemblés dans le stade de Conakry pour s'opposer à une candidature à la présidentielle de Dadis Moussa Camara, chef de la junte militaire alors au pouvoir. Les militaires avaient ouvert le feu et, selon l’ONU, au moins 156 personnes avaient été tuées et plus d'une centaine de femmes violées. Depuis lors, les familles des victimes, les organisations internationales de défense des droits de l’homme et certains gouvernements occidentaux demandent en vain que justice soit rendue.