Déjà trois renvois. Le commandant Sekou Resco Camara, ancien gouverneur de la capitale guinéenne et le Général Nouhou Thiam, ancien chef d’état-major poursuivis pour tortures, coups et blessures volontaires, ethnocentrisme sur une quinzaine de personnes accusées d’avoir lapidé le cortège du président de la transition le général Sekouba Konaté étaient attendus à la barre le 25 juin 2018 au Tribunal de Première Instance de Dixin de Conakry. Mais ils ont brillé encore par leur absence ainsi que leurs avocats.
C’est la deuxième fois que le procès est renvoyé, les accusés étant absents. Face à cette situation, le tribunal s’est vu dans l’obligation de renvoyer à nouveau le procès au 23 juillet prochain tout en ordonnant la comparution obligatoire des deux officiers. Au sortir de la salle d’audience, les plaignants n’ont pas manqué d’exprimer leur ras-le-bol par rapport aux multiples renvois que connait cette affaire.
Pour Maître Alpha Amadou Bah, avocat des victimes « la présence des accusés est indispensable pour la tenue du procès, s’ils ne comparaissent pas volontairement ils seront obligés par la loi de le faire soit par un mandat d’amener ou par contrainte comme l’a signifié le tribunal». Aliou Barry, une des victimes; estime quand à lui que la justice est défaillante « je ne peux pas comprendre que des gens qui sont sous contrôle judiciaire, convoqués à une audience ne se présentent pas alors que la justice a tous les moyens de les contraindre ».
Lors de la dernière audience, le 23 avril, seul le commandant Sekou Resco Camara était à la barre pour sa déposition. Après lecture des chefs d’accusations, il avait nié en bloc les faits qui lui sont reprochés « ce que je connais dans cette affaire, des jeunes ont été arrêtés dans la commune de Ratoma après une attaque contre le cortège de Sekouba Konaté, je n’ai jamais touché ni insulté quelqu’un d’entre eux, je n’ai pas tenu des propos contre une ethnie. D’ailleurs, c’est grâce à mon intervention que les jeunes ont été libérés »
Les défenseurs des droits humains perplexes
Les avocats du Général Nouhou Thiam, ancien Chef d’état-Major, avaient demandé au juge de se dessaisir, en estimant que leur client « ne peut comparaitre sans l’accord du chef de l’Etat, qui n’a pas été consulté ». Le président du tribunal avait donné l’assurance de juger les deux officiers. Cependant, ce dossier a connu trois renvois depuis le 13 novembre 2017, une situation qui laisse perplexe les défenseurs de droits humains, quand on sait qu’il a fallu 7 années de lobbying et de plaidoyer pour l’ouverture d’un procès après une instruction du dossier qui a duré 3 ans.
Tout laisse penser que les deux accusés ont fait illusion en se présentant une première fois devant le tribunal. A présent, ils s’appuient sur l’argument fallacieux selon lequel ils ne peuvent comparaître qu’avec l’accord du Président de la République, chef suprême des Armées. Les magistrats de leur côté, continuent d’exiger leur comparution, rappelant qu’elle est obligatoire. Au besoin ils n’excluent pas de délivrer un mandat d’amener. Mais alors qui l’exécutera ? La lutte contre l’impunité a de beaux jours devant elle en Guinée.
Pour mémoire, ces deux officiers sont poursuivis pour torture, coups et blessures volontaires, ethnocentrisme, sur une quinzaine de personnes accusées d’avoir lapidé en 2010 le cortège du président de la transition le général Sekouba Konaté. En 2012, les 15 victimes se sont constituées partie civile, soutenues par les organisations de défense des droits de l’homme, tant en Guinée, qu’au plan international, pour traduire en justice ces deux « haut gradés ».