"Ces élections ? Qu'on en finisse au plus vite..." Epuisé par les années de crise de l'ère Robert Mugabe, Sifelani Jabangwe espère que le Zimbabwe votera dans le calme le 30 juillet pour pouvoir s'atteler à l'essentiel: la relance de son économie.
"Nous voulons des élections libres, honnêtes, crédibles et reconnues comme telles par le reste du monde", explique cet industriel, "on a perdu trop de temps avec la politique, il est plus que l'heure de remettre l'économie en marche".
Pour Sifelani Jabangwe comme de nombreux autres patrons du pays, le temps presse.
Son entreprise de fabrication de bâches et gants en plastique, James North Zimbabwe, est l'une des dernières encore en activité à Southerton, la zone industrielle de la capitale Harare que la récession a transformée en désert.
Au début des années 2000, Robert Mugabe a ordonné l'éviction manu militari des fermiers blancs qui tenaient encore l'essentiel de l'agriculture du pays.
Sa réforme a détruit le grenier à blé de l'Afrique australe, ruiné la confiance des investisseurs étrangers et précipité l'effondrement de toute l'économie, qui ne s'en est toujours pas relevée près de vingt ans plus tard.
Chômage de masse, hyperinflation, fuite des capitaux, pauvreté généralisée et faillite des services publics, notamment de santé, sont devenus la norme.
Emporté par ce choc, M. Jabangwe a alors réduit ses effectifs de 400 à 150 salariés et recentré son activité sur les produits d'exportation, à destination du Mozambique, du Malawi, du Kenya et du Rwanda notamment.
- 'Fautes économiques' -
Du vainqueur des élections - qui devrait être sauf surprise l'actuel président Emmerson Mnangagwa qui a succédé à Robert Mugabe en novembre - il espère un redémarrage de l'activité.
"Quand toute l'économie fonctionne et que chacun a les moyens d'acheter ce qu'il veut, nous en profitons tous", note M. Jabangwe, par ailleurs président de la Confédération des industries du Zimbabwe, "la normalisation de nos relations avec le reste du monde est vitale".
Les sanctions imposées par l'Occident pour punir la répression de l'ancien régime ont achevé de ruiner le pays.
"Nous titubons depuis des années sous l'effet de nos propres fautes économiques", déplore Shingi Munyeza, qui dirige dans son pays la chaîne de cafés sud-africaine Mugg & Bean.
"Les élections à venir constituent une occasion en or pour notre économie", estime-t-il, "72,5% des Zimbabwéens vivent à ce jour sous le seuil de pauvreté (...) il faut relever le défi de les sortir de cette situation dramatique".
"J'espère que nous en avons fini avec cette classe politique qui maintenait sa domination aux dépens de l'économie et des droits des citoyens", poursuit l'entrepreneur, "il nous faut des dirigeants visionnaires, créatifs et compétents".
Depuis qu'il a repris les rênes du pays, M. Mnangagwa, 75 ans, s'efforce de convaincre les entreprises étrangères d'y revenir.
Pendant sa campagne électorale, le président a même promis de faire entrer le Zimbabwe dans la catégorie des pays à revenus intermédiaires.
- 'Climat hostile' -
Son principal rival, le chef du Mouvement pour un changement démocratique (MDC) Nelson Chamisa, 40 ans, n'est pas en reste. En cas de victoire, a-t-il dit, il se fait fort de multiplier le PIB du pays par plus de cinq en dix ans pour atteindre la barre des 100 milliards de dollars annuels.
Ces engagements laissent toutefois perplexes les analystes, qui insistent sur l'énormité des défis à relever.
"Il va falloir beaucoup d'investissements pour relancer l'économie. Et pour ça, il faut changer le climat des affaires qui reste pour l'heure très hostile", souligne l'économiste John Robertson en évoquant le cadre législatif et la corruption.
"Il va aussi falloir faire revenir nos fermiers", ajoute-t-il, "pour l'heure leurs titres de propriété ne sont pas garantis et ils en ont besoin pour obtenir de l'argent des banques".
Malgré tous ces obstacles, Abel Kapodogo veut y croire. Au chômage depuis sept ans, ce diplômé en sociologie survit en vendant des fruits dans le centre d'Harare.
"En 2013, le parti au pouvoir (Zanu-PF) nous avait promis de créer 2 millions d'emplois", rappelle-t-il, "je m'attendais à en avoir un mais je n'ai rien vu, le gouvernement m'a laissé tomber et ça fait très mal".
Mais le trentenaire en est sûr, ce scrutin va changer la donne.
"C'est une chance unique pour les jeunes qui ont été trompés par le parti au pouvoir", veut-il croire, "si Nelson Chamisa est élu, cela va attirer les investisseurs (...) et je veux croire que, cette fois, je trouverai un emploi".
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