Les Evêques catholiques de Côte d’Ivoire saluent l’amnistie accordée le 6 août par le président Alassane Ouattara à 800 personnes condamnées ou poursuivies pour des crimes liés à la crise électorale de 2010-2011. Les prélats invitent les bénéficiaires de cette décision à contribuer « à la poursuite de la consolidation de la paix et au renforcement de la cohésion sociale ». Des organisations de la société civile ont cependant dénoncé cette amnistie comme "un mépris pour les victimes".
Dans un message publié le 17 août sur son site internet, la Conférence des Evêques Catholiques de Côte d’Ivoire « se félicite de cette ordonnance d’amnistie historique du président de la République, qui contribue fortement au pardon et à la réconciliation, toutes choses utiles pour la stabilité, le développement, le bien-être des populations et le rayonnement de notre pays dont tous les compatriotes veulent rester fiers ». Signé au nom de ses pairs par Mgr Antoine Koné, Evêque du Diocèse d’Odienné et président de la Commission Episcopale pour la Pastorale sociale, le message salue une « décision porteuse d’espérance », tout en encourageant le chef de l’Etat « à continuer à poser les actes qui favorisent concrètement le rassemblement de tous les enfants dans notre maison commune, la Côte d’Ivoire ». La conférence épiscopale exhorte « toute la classe politique ivoirienne à tenir des discours d’apaisement et à œuvrer vraiment pour la réconciliation entrant ainsi dans cette nouvelle dynamique que le Chef de l’Etat engage pour l’avenir de la Nation ». Enfin, elle « invite les bénéficiaires de cette amnistie, devant être fraternellement accueillis, à cultiver un esprit patriotique favorisant le pardon accueilli et offert, la paix des cœurs et l’assainissement du climat sociopolitique ». « Ainsi, espèrent les évêques catholiques, ils contribueront fortement avec les autres concitoyens, et avec leurs qualités, à la poursuite de la consolidation de la paix et au renforcement de la cohésion sociale pour l’unité ».
La crise de 2010-2011 a éclaté lorsque le président en fonction à l’époque, Laurent Gbagbo (actuellement jugé à la Cour pénale internationale) a refusé de reconnaître la victoire électorale de son adversaire Alassane Ouattara. Au cours des six mois de violence et de conflit armé qui ont suivi, au moins 3 000 personnes ont été tuées et plus de 150 femmes violées. Selon plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, les forces armées des deux camps ciblaient les civils sur la base de leur appartenance politique et parfois ethnique et religieuse.
« Mépris »
Ces crimes graves perpétrés durant cette crise font que la décision d’amnistie prise par le président Ouattara est loin de faire l’unanimité. Dans une déclaration commune publié le 8 août, 11 organisations ivoiriennes et internationales ont affirmé qu’aucune amnistie ne devrait s’appliquer aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres graves violations des droits humains commis en Côte d’Ivoire pendant la crise post-électorale de 2010-2011. Certes, le président Ouattara a précisé que l’amnistie ne s’appliquerait pas à 60 militaires et membres de groupes armés ayant commis des « crimes de sang » au cours des violences post-électorales. Mais ; soulignent ces organisations, les juges ivoiriens ont déjà inculpé bien plus de 60 personnes pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre relatifs à la crise post-électorale, y compris des responsables militaires et politiques des deux côtés du conflit, et l’annonce du président ne clarifie pas lesquelles d’entre elles devront faire face à la justice. « Décider, après 7 années de procédure judiciaire impliquant des centaines de victimes et d’auteurs présumés, que seules soixante personnes répondront à la justice est non seulement une décision arbitraire mais c’est aussi un geste de mépris vis à vis des victimes si cela permet aux auteurs présumés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité d’échapper aux poursuites », estiment ces organisations. Elles rappellent qu’une amnistie pour crimes graves est contraire au droit international et aux principes constitutifs de l’Union Africaine et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples.