Adoptée par traité en juillet 1998, la Cour permanente est compétente pour poursuivre les responsables de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis depuis le 1er juillet 2002. Mais contrairement aux tribunaux ad hoc, la Cour n’intervient que si les états concernés n’ont pas les moyens ou la volonté d’engager des poursuites. En signant les Conventions de Genève, celles sur la torture, les états avaient déjà l’obligation de poursuivre devant leurs tribunaux les auteurs de tels crimes.
Mais cette disposition n’a jamais été réellement prise en considération et c’est l’avènement de la Cour pénale internationale qui pousse lentement les états à adapter leurs codes pénaux de sorte à disposer des instruments juridiques leur permettant de conduire de tels procès. Car faute de pouvoir poursuivre, les états prendraient le risque de voir leurs propres ressortissants comparaître devant une Cour internationale.
Le projet de loi déposé devant le parlement francais ne donne pas « compétence universelle » à la France. Il permet aux juges français de ne poursuivre que les ressortissants français suspectés de tels crimes. A ce jour, cette compétence universelle - qui en théorie doit permettre de juger tout responsable de ces crimes, quelle que soit le lieu où ils ont été perpétrés, la nationalité des victimes ou celle des bourreaux - ne s’exerce en France que pour poursuivre des responsables d’actes de torture, de terrorisme ainsi que les auteurs de crimes commis pendant la guerre en ex-Yougoslavie ou lors du génocide rwandais.
Dans un communiqué, la coalition des organisations non gouvernementales proteste, arguant notamment que la loi laisse ouverte la possibilité, pour les auteurs de tels crimes, qui ne seraient pas francais, de trouver refuge sur le territoire français en toute impunité.
De leur coté, les rapporteurs de la commission des lois du Sénat estiment, dans leur rapport du 14 mai, qu’il n’appartient pas aux Etats parties mais « à la CPI de se substituer à l’état défaillant qui aurait été normalement compétent pour juger l’auteur d’un crime international (…) Quelle juridiction plus légitime que la Cour pénale internationale peut, sans blesser le principe d’égalité entre les états au sein de la communauté internationale, assumer une telle mission ? » écrivent les rapporteurs, qui s’appuient sur l’exemple de la Belgique. « La Belgique qui s’était risquée un temps à reconnaître une compétence véritablement universelle à ses juridictions a d’ailleurs dû y renoncer. Nos voisins européens n’admettent généralement la compétence universelle que dans des conditions très strictes » notent-ils.
L’introduction des crimes de guerre dans le code pénal est l’avancée la plus importante de ce texte. Mais les ONG protestent aussi sur le maintien d’un délai de prescription, étendu à 30 ans, pour les crimes de guerre, alors que le statut de Rome stipule que les crimes de la compétence de la Cour sont imprescriptibles.
En 1998, lors des négociations engagées à Rome – et qui avaient débouchées sur l’adoption du traité portant statut de la Cour – la France avait fait inscrire l’article 124, selon lequel un état, en ratifiant le traité, peut suspendre pendant sept ans la compétence de la Cour à son égard pour les crimes de guerre. A ce jour, seuls la France et la Colombie ont utilisé cette réserve. L’adoption de la loi d’adaptation par le parlement devrait « conduire la France à lever très prochainement sa réserve concernant la compétence de la CPI à l’égard des crimes de guerre » écrivent les rapporteurs.
SM/PB