La Cour pénale internationale (CPI) est sous les feux de l’actualité politique mondiale depuis que John Bolton, conseiller pour la sécurité nationale du président américain Donal Trump, a vertement attaqué la cour. Mais s’il a décrit sa stratégie pour saper les travaux de la CPI, ses attaques pourraient avoir l’effet de sonner le ralliement des partisans de la cour.
Si le moindre doute persistait sur la position de l’administration Trump à l’égard de la CPI, John Bolton l’a dissipé. Le conseiller pour la sécurité nationale du président américain a déclaré, le 10 septembre, que les Etats-Unis « ne coopéreront pas avec la CPI », « ne fourniront aucune assistance à la CPI » et ne la « rejoindront pas ». Bolton a par ailleurs qualifié la cour d’« inefficace, irresponsable et, en réalité, franchement dangereuse. »
Tandis que le gouvernement d’Obama avait adopté une approche constructive et soutenu le travail de l’institution judiciaire – en contribuant, par exemple, à l’arrestation et la remise de deux suspects –, Trump opte pour un positionnement agressif. Son administration semble prête à bloquer et miner les activités de la CPI dans les années qui viennent. Pour un président qui a déjà expliqué que sa doctrine en matière de relations internationales reposait sur la suprématie américaine et qu’il s’opposait fermement au multilatéralisme, cette nouvelle initiative ne manque pas de cohérence. Au cours des trois derniers mois, le gouvernement américain s’est retiré du Conseil des droits de l’homme de l’Onu, a menacé de quitter le Bureau international du travail et a cessé son financement à l’UNRWA, l’agence de l’Onu qui s’occupe des réfugiés palestiniens.
De ce point de vue, le discours de Bolton en dit davantage sur la ligne politique du gouvernement américain que sur la CPI. L’opposition à la cour internationale est une suite logique de la philosophie politique de Trump autour de “L’Amérique d’abord” et de l’exception américaine, qui a forgé la politique étrangère des Etats-Unis depuis de nombreuses années : cette idée selon laquelle ce pays est différent des autres. Une cour internationale indépendante est incompatible avec cette notion puisque le principe selon lequel personne ne devrait être au-dessus des lois est profondément ancré dans l’ADN de la CPI. Pour les faucons comme Bolton et Trump, la CPI représente donc l’incarnation d’un ordre mondial qu’ils abhorrent. Le journal britannique The Guardian a ainsi vu en l’attaque contre la CPI « le visage inacceptable de l’exception américaine ».
La réaction des Etats européens
La plupart des commentateurs se sont focalisés sur les conséquences négatives du discours de Bolton sur la CPI, en soulignant que d’autres Etats pourraient y puiser des arguments pour réduire à leur tour leur soutien. Mais, en réalité, le désengagement actif des Etats-Unis et son agressivité ont souvent provoqué une réaction inverse. Lorsque l’administration Trump a décidé de suspendre son financement des programmes de santé reproductive pour les femmes dans les pays en voie de développement, une coalition d’Etats européens et africains a mobilisé plus de 300 millions de dollars.
Quand Washington a annoncé sa décision de couper les fonds à l’UNRWA, l’Union européenne, l’Irlande, la Jordanie et l’Allemagne ont pris le relais.
Les attaques de Bolton pourraient donc plutôt rallier les soutiens à la CPI. Soit par crainte de s’aligner sur Trump, soit à cause d’un soutien sincère à la cour et à l’idée d’une justice pénale internationale. Les premières réactions indiquent que les gouvernements européens prennent leurs distances vis-à-vis de la rhétorique anti-CPI. Le ministère des Affaires étrangères allemand a rappelé sur Tweeter son « engagement dans le travail de la CPI – notamment lorsque celle-ci est prise pour cible ». Dans une référence aux menaces américaines, la France a déclaré que la Cour devait pouvoir travailler « sans obstacle ». Le Liechtenstein a, dès le 11 septembre, exprimé son “soutien ferme » à la CPI.
Les déclarations fracassantes de Bolton pourraient ainsi conduire à un regain de soutien à l’égard de la cour internationale. Un paradoxe inespéré pour celle-ci, alors qu’elle n’est jamais apparue aussi faible politiquement et qu’elle se trouve contestée de l’intérieur, cette semaine même, à La Haye, par la Jordanie et d’autres Etats membres, sur le champ de ses pouvoirs.