Vêtu d’un costume noir sur une chemise vert clair, Thomas Kwoyelo est apparu posé tout au long de l’audience alors qu’il rejetait 32 des 93 chefs d’accusation ayant trait à des crimes de guerre et crimes contre l’humanité qu’il aurait perpétrés au cours de ce conflit qui a hanté le nord de l’Ouganda depuis le milieu des années 80.
« Je ne sais rien de tout cela et je plaide non coupable », a calmement répondu l’ancien rebelle de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), à travers un interprète, tandis que 32 charges lui étaient lues au premier jour de son procès. La sécurité était stricte à l’intérieur et en dehors du tribunal. Grace Auma, l’épouse de Kwoyelo, et un autre homme qui a refusé de s’identifier, étaient les seuls parents présents dans la salle d’audience. D’autres membres de la famille et les résidents locaux suivaient l’audience à partir d’une tente à l’extérieur du tribunal. La galerie du public était largement remplie de représentants d’organisations non gouvernementales, des médias et de l’Etat.
Viols, meurtres, tortures et enlèvements
Kwoyelo comparaît devant trois juges, sous la présidence de Persis Jane Kiggundu. Le greffier de la Division des crimes internationaux de la Haute Cour a lu les faits introductifs du dossier avant d’énoncer chaque chef un par un. Selon l’accusation, Kwoyelo a volontairement ordonné des attaques systématiques contre des civils qui ont été violés, kidnappés, tués, réduits en esclavage, torturés et emprisonnés. Beaucoup auraient également été enrôlés dans les rangs de la LRA comme combattants. Il est accusé d’avoir dirigé des attaques contre des civils dans les villages d’Abera et de Pagak, ainsi qu’à Pabbo, dans le district d’Amuru, où un grand camp de personnes déplacées a été attaqué par les rebelles de la LRA, entre 1992 et 2005, tuant les gens et détruisant leurs biens.
Kwoyelo a écouté attentivement à travers un interprète en luo, alors que ses avocats suivaient en lisant l’acte d’accusation. L’accusé a plaidé sur chaque chef d’accusation, après qu’un juge lui ait demandé de confirmer avoir compris les charges portées contre lui.
« Je suis contente que le procès ait démarré aujourd’hui. Je ne peux faire d’autres commentaires. Le gouvernement sait très bien ce qu’il fait avec mon mari », a déclaré l’épouse de Kwoyelo à l’issue de l’audience, entourée d’autres membres de la famille. « Nous voulons que justice soit rendue », a-t-elle dit.
« Certains sont déjà morts et ne verront jamais ce procès »
Josephat Okello était un résident de Pagak, où Kwoyelo est accusé d’avoir commis certains crimes. Il y était quand la guerre a commencé, après avoir pris sa retraite d’un emploi dans la fonction publique nationale. Mais lorsque le conflit s’est intensifié, Okello a cherché plus de sécurité dans la ville de Gulu où il vit depuis, faisant du petit commerce.
Ce lundi, il est présent à l’audience et souhaite rapidement rappeler que dix ans se sont écoulés entre l’arrestation de l’accusé et le début du procès. « Cette affaire a pris beaucoup de temps et notre intérêt s’est émoussé. Nous sommes heureux qu’elle démarre et que les gens qui ont été affectés voient enfin la justice de leurs propres yeux », dit Okello. « Nous demandons à ceux qui ont la charge de ce dossier qu’il ne soit plus reporté, les deux parties ont besoin de justice et elle doit se faire rapidement sinon elle ne servira pas les intérêts de ceux qui ont souffert au cours de la guerre de l’Armée de résistance du Seigneur. Cette affaire s’achève alors que certains sont morts depuis longtemps, car c’est bien le cas, et ceux-là ne verront jamais ce procès. »
L’audience a débuté en fin de matinée et a dû être brièvement suspendue après que la défense a refusé que Kwoyelo plaide sur une charge pour laquelle la divulgation de la preuve était incomplète à leurs yeux. Ces éléments touchent à des enlèvements et prises d’otages. L’identité des témoins y est protégée et le procureur a défendu que ces restrictions sur la divulgation de la preuve et sur les victimes et témoins sont prévues par le règlement de procédure. Pour la défense, il serait inéquitable que Kwoyelo plaide sur quelque chose qu’il ne peut comprendre. A la reprise de l’audience, leur client a plaidé non coupable. La lecture des charges doit se poursuivre dans les jours qui viennent.