Trois Syriens, soupçonnés de crimes contre l'humanité entre 2011 et 2013, ont été interpellés en Allemagne et en France dans le cadre d'une opération commune entre les deux pays, a-t-on indiqué mercredi de sources concordantes.
Un homme a été interpellé mardi en région parisienne et placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête pour "actes de torture, crimes contre l'humanité et complicité de ces crimes", commis entre mars 2011 et courant 2013, a-t-on appris auprès du parquet de Paris.
Cette enquête préliminaire avait été ouverte en janvier 2018 par le pôle "crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre" du parquet.
Selon une source proche du dossier, cet homme, âgé d'une trentaine d'années, est un ancien des services de renseignement du régime de Bachar al-Assad. Il est soupçonné d'avoir participé aux exactions commises contre les populations civiles par le régime syrien.
Deux hommes de 56 et 42 ans ont aussi été interpellés mardi à Berlin et Zweibrücken (Rhénanie-Palatinat, ouest de l'Allemagne), a par ailleurs annoncé le parquet fédéral de Karlsruhe dans un communiqué.
Membres présumés des moukhabarat, les services de renseignement syriens, dans la région de Damas, ils sont soupçonnés de crimes contre l'humanité en 2011 et 2012 sur des opposants au régime syrien.
Le suspect de 56 ans, Anwar R., aurait été complice de tortures commises par les services secrets syriens dans une prison. Eyad A., 42 ans, est soupçonné d'avoir participé au meurtre de deux personnes et aux tortures infligées à au moins 2.000 personnes entre juillet 2011 et janvier 2012.
Les enquêteurs s'appuient notamment sur des témoignages de victimes de ces tortures. Les deux Syriens ont, selon le parquet allemand, quitté leur pays dès 2012, avant de gagner l'Allemagne et d'y demander l'asile.
"C'est une excellente nouvelle", a jugé Clémence Bectarte, avocate de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme). "Ca nous conforte dans l'idée qu'il y aura des procès des tortionnaires syriens en Europe", a-t-elle déclaré à l'AFP, indiquant que la FIDH se constituerait partie civile dans ce dossier.
Depuis le début en 2011 du conflit en Syrie, le régime de Bachar al-Assad a été accusé d'atteintes aux droits de l'Homme et mis en cause pour de multiples cas de tortures, viols et exécutions sommaires.
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), au moins 60.000 personnes sont mortes sous la torture ou à cause des terribles conditions de détention dans les prisons du régime et un demi-million de personnes sont passées dans ces geôles depuis 2011.
La Commission d'enquête de l'ONU a accusé maintes fois les différentes parties en conflit en Syrie de commettre des crimes de guerre, et dans certains cas, des crimes contre l'humanité.
En 2014, un ancien photographe de la police militaire syrienne, exfiltré sous le pseudonyme de "César", a révélé des photographies de corps torturés et suppliciés dans les prisons du régime entre 2011 et 2013. Il s'est enfui de Syrie en 2013, en emportant 55.000 photographies effroyables.
Sur cette base, le parquet de Paris avait ouvert une première enquête en septembre 2015 en vertu de "la compétence universelle" permettant à la justice française de poursuivre les auteurs de "crimes contre l'humanité" commis à l'étranger.
Cette procédure a débouché sur d'autres enquêtes, dont celle de janvier 2018.