La justice française a décidé d'ouvrir de nouvelles enquêtes visant douze ressortissants rwandais que la France avait refusé d'extrader vers le Rwanda où ils sont soupçonnés d'avoir pris part au génocide de 1994, a-t-on appris jeudi auprès du parquet spécialisé à Paris.
Le pôle "crimes contre l'humanité" du parquet national antiterroriste (Pnat) "a ouvert, de sa propre initiative, depuis quelques mois onze nouvelles informations judiciaires concernant douze Rwandais dont les extraditions n'ont pas obtenu d'avis favorables des juridictions françaises", précise-t-il dans un communiqué.
"Trois autres dossiers sont à l'étude", ajoute le parquet, qui invoque la "nécessité de poursuivre en France" ces suspects en application du principe "aut dedere aut judicare" (soit extrader, soit juger).
La plus haute instance judiciaire, la Cour de cassation, s'est en effet constamment opposée aux extraditions vers le Rwanda, en vertu du principe de non-rétroactivité de la loi. Car le génocide n'est poursuivi au Rwanda qu'en vertu de législations postérieures, datant de 1996 et 2004.
Parmi les derniers cas, en octobre 2016, la Cour avait refusé l'extradition de Marcel Hitayezu, un prêtre réfugié ayant obtenu la nationalité française.
Elle avait aussi annulé des décisions favorables, en 2014, à l'extradition d'Innocent Musabyimana et, en 2015, à celle d'Innocent Bagabo, un Tutsi dont la famille avait été massacrée et qui avait reçu le soutien d'Amnesty International.
Ces onze nouvelles enquêtes ont été confiées à des juges d'instruction spécialisés du tribunal de Paris, portant à 28 le nombre d'informations judiciaires en France contre de possibles auteurs de ces crimes au Rwanda. Une 29e procédure est menée en enquête préliminaire par le Pnat.
Le Rwanda appelle régulièrement les pays européens, dont la France, à traquer et juger plus efficacement les responsables en fuite de ce génocide qui a fait, selon l'ONU, au moins 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi.
Au total, le Rwanda affirme avoir adressé 42 demandes d'extraditions à la France.
En avril, au moment des commémorations du 25e anniversaire du génocide, la police britannique avait annoncé avoir relancé les investigations contre cinq hommes, à la demande des autorités rwandaises.
À ce jour, la justice française a mené deux procès à leur terme contre trois Rwandais installés en France, qui ont débouché sur des condamnations allant de 25 ans de prison jusqu'à la perpétuité.
Un troisième procès est attendu contre Claude Muhayimana, un Franco-Rwandais accusé de "complicité" de génocide pour avoir transporté des miliciens auteurs de massacres.
En tout, trois enquêtes en France se sont conclues à ce jour par un non-lieu, au bénéfice du prêtre Wenceslas Munyeshyaka, de Pierre Tegera et de l'ancien député Félicien Baligira.