Le 23 janvier, toutes les ONG humanitaires de déminage travaillant en Colombie se sont réunies dans un hôtel haut de gamme du nord de Bogota pour revoir leur plan de travail pour 2020. Tôt ce matin-là, Angela Orrego avait reçu plusieurs messages Whatsapp d'un représentant du Bureau du Haut-commissaire pour la paix du gouvernement colombien, lui rappelant la réunion et l'emplacement de l'hôtel. Mais lorsqu’elle et deux de ses collègues de Humanicemos, une des organisations créées pour détruire les mines terrestres, sont arrivés, un autre fonctionnaire du gouvernement leur a interdit l'entrée.
"Je suis vraiment désolé", leur a-t-il dit. La réunion étant partiellement financée par le Département d'État américain, a-t-il expliqué, ils ne pouvaient pas y participer. La raison est qu'Orrego est une ancienne combattante des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) qui a abandonné les armes il y a trois ans dans le cadre de l'accord de paix colombien et qui dirige l'organisation de déminage créée en 2018 par une centaine d'anciens guérilleros comme projet de réincorporation dans la vie civile. Le problème est que la loi américaine interdit toute ressource provenant des Etats-Unis au profit de membres d'organisations figurant sur la liste américaine des organisations terroristes. Les anciennes FARC n'en ont pas encore été retirées, bien qu'elles aient signé un accord de paix fin 2016 et déposé leurs armes mi-2017.
Le fait que ce rendez-vous pour la planification nationale du déminage, organisé par le gouvernement colombien, était payé par les Américains devait être connu par les fonctionnaires bien avant ce matin-là. En fait, ce n'était pas la première fois que cela se produisait. L'année dernière, lors d'une autre réunion sectorielle au sein du ministère des Affaires étrangères, les membres d'Humanicemos s’étaient vu refuser collations et matériel de traduction, car ils étaient payés avec des fonds américains.
Selon six sources travaillant sur cette question, ces impasses illustrent les obstacles bureaucratiques créés par le gouvernement du président Iván Duque et qui empêchent Humanicemos de commencer à détruire les mines terrestres. Du coup, l'un des moyens les plus tangibles et effectifs dont disposent les anciens guérilleros des FARC pour réparer les dommages qu'ils ont causés à des milliers de victimes du conflit a échoué jusqu'à présent.
Le rêve d'Humanicemos
Humanicemos, conçu comme un projet de réincorporation sociale et économique des anciens guérilleros, est un héritier direct des pourparlers de paix de La Havane. Son origine remonte aux deux projets pilotes de déminage humanitaire menés par le gouvernement Santos (2010-2018) et les FARC en 2015, en pleine négociation, pour désamorcer le conflit et instaurer la confiance entre les deux parties. Pendant plus d'un an, une équipe improbable avait travaillé conjointement dans les hameaux d’El Orejón à Briceño (Antioquia) et de Santa Helena à Mesetas (Meta). Les guérilleros avaient fourni des informations sur l'emplacement et le fonctionnement des mines terrestres, le Norwegian People’s Aid (NPA) avait effectué de cruciales études de terrain non techniques et, enfin, les soldats du bataillon de déminage de l'armée colombienne les avaient démantelées. Au total, ils avaient déminé 39 215 mètres carrés et détruit 70 engins explosifs improvisés.
De nombreux membres du personnel de Humanicemos ont travaillé sur ces projets pilotes. La directrice, Angela Orrego, a dirigé le groupe d'experts en explosifs de la guérilla à El Orejón, tandis que le chef de projet technique Germán Balanta a fait de même à Santa Helena. "S'il y a une chose qui m'a donné de la satisfaction dans la vie, c'est cet effort, car nous avons tous retroussé les manches. Le gouvernement a compris que nous pouvions travailler en équipe et que nous voulions la paix. Le résultat de ces projets pilotes nous a fait réfléchir : si le déminage impliquant d'anciens combattants était si efficace, pourquoi ne pas créer notre propre organisation ?", explique Orrego, qui a passé trois ans dans l'équipe de communication de la guérilla, à La Havane, avant de se rendre à Orejón.
Le pays est toujours classé au deuxième rang mondial des victimes de mines terrestres, après l'Afghanistan.
Ainsi est né Humanicemos, une organisation civile de déminage composée presque entièrement d'anciens combattants. Plus de 90 % de ses 113 employés sont aujourd'hui d'anciens membres des FARC, en transition vers la vie civile, tout comme les neuf membres de son conseil d'administration et les 51 membres de son assemblée. Leur rêve est de rejoindre les sept autres organisations civiles qui déminent actuellement ce pays, toujours classé au deuxième rang mondial des victimes de mines terrestres, après l'Afghanistan. Lorsqu'ils ont commencé à s'organiser, en 2018, les espoirs étaient grands. Selon Orrego, ils ont même compilé une base de données avec 500 anciens guérilleros intéressés par des emplois de destruction de mines terrestres, dont beaucoup avaient été installées par les FARC elles-mêmes. L'enthousiasme régnait également dans le camp d’en face. Rafael Pardo, ministre pour l’après-conflit du président Juan Manuel Santos, annonçait qu'Humanicemos embaucherait 1200 anciens guérilleros, une promesse que beaucoup dans le secteur jugeaient trop optimiste à une époque où la plus grande organisation civile - le British Halo Trust - comptait 300 employés.
Le risque de perdre le financement américain
En mars 2018, les anciens FARC ont commencé à se former au déminage. Le personnel de Humanicemos a été formé par d'autres organisations civiles sur la réalisation d’enquêtes non techniques établissant des périmètres, sur la façon de détruire les mines et celle d'éduquer les communautés locales sur les risques liés aux mines. Halo Trust a formé 40 d'entre eux, NPA 28, la Campagne colombienne pour l'interdiction des mines terrestres 20 et UNMAS - branche des Nations unies chargée de l'action contre les mines - 40 autres. Cela a été fait grâce aux 4 millions de dollars promis par le gouvernement norvégien et le Fonds de consolidation de la paix du secrétaire général des Nations unies, António Guterres.
En plus de ses 90 démineurs, Humanicemos envisage aussi d'employer d'autres anciens combattants ayant une connaissance des mines terrestres, sous un nom qu'elle a baptisé "guides locaux", pour travailler main dans la main avec des experts en explosifs afin de localiser et détruire les engins. L’idée est non seulement de les engager directement, mais aussi de les prêter à d'autres organisations travaillant en Colombie, comme NPA, Halo Trust, les Français de Handicap International, les Danois de DDG, les Italiens de Perigeo, ou CCCM et Atexx au niveau local. Leurs informations sont essentielles pour établir des périmètres plus précis et accélérer le déminage, ce qui permet d'économiser du temps et de l'argent.
C'est vers mai 2018 que le plus gros problème est apparu. L'Organisation des États américains, traditionnellement en charge de l’évaluation technique obligatoire des démineurs en Colombie et qui fait partie du projet depuis le début, annonce alors qu'elle doit se retirer en raison du financement américain, qui - selon elle - les empêche de travailler avec les anciens combattants des FARC. Leur annonce a un effet d'entraînement. L'ONG britannique Halo Trust décide, pour ne pas risquer de perdre des fonds américains, qu'elle ne peut pas non plus continuer à former les membres d'Humanicemos. La moitié de ses stagiaires doivent être pris en charge par le CCCM et l'UNMAS.
Cette réalité juridique et politique signifie que le gouvernement colombien doit trouver une tierce partie pour certifier les compétences de déminage des anciens combattants. Descontamina Colombia, l'agence alors chargée du déminage et absorbée plus tard par le Haut-commissaire pour la paix, tente de réfléchir à une solution transitoire originale, mais le terme du gouvernement Santos intervient sans solution trouvée. Lors de la transition entre les administrations Santos et Duque, en 2018, il est clair qu'une solution alternative au problème est nécessaire. Près de deux ans plus tard, la question n'est toujours pas résolue.
Bien que les débuts d'Humanicemos aient été lents sous le président Santos, les difficultés se sont accrues à l'arrivée de Duque.
L'organisation changeante du gouvernement
Bien que les débuts d'Humanicemos aient été lents sous le président Santos, les difficultés se sont accrues à l'arrivée de Duque. Sous couvert d’anonymat, trois représentants de la communauté internationale et deux du secteur du déminage estiment que le gouvernement actuel a traîné les pieds au sujet de l’agrément d'Humanicemos.
Fin 2018, le gouvernement de Duque décide que l'UNMAS doit être chargé du contrôle externe de ses démineurs, comme il le fait dans de nombreux autres pays touchés par les mines. Le 6 décembre, Emilo José Archila, conseiller de Duque pour la stabilisation qui a alors le déminage sous son autorité - approuve l’agence de l'Onu en raison de sa "capacité technique internationale reconnue", selon un document officiel vu par Justice Info. "Tout aurait dû être résolu à ce moment-là", explique un diplomate étranger.
Tel n'a pas été le cas. Deux mois plus tard, Duque remanie les responsabilités et transfert le programme d'action contre les mines au Commissaire à la paix, Miguel Ceballos. Son bureau absorbe l'agence de déminage. Les permis demandés par Humanicemos, ainsi que la sélection de l'UNMAS comme vérificateur indépendant, tombent dans les limbes.
En août dernier, le comité décisionnaire sur le déminage - où siègent le ministère de la Défense, l'Inspection générale des forces militaires et le Commissaire à la paix - approuve finalement le renouvellement de l'accréditation annuelle d'Humanicemos en tant qu'organisation de déminage. Puis, le 7 novembre, ce même comité approuve enfin l'UNMAS comme vérificateur technique de ses démineurs (après que le bureau du commissaire à la paix a proposé un appel d'offres public qui incluait une ONG croate appelée Cromac, sans expérience ni personnel dans le pays ; en fin de compte, la plus grande capacité de l'agence onusienne a prévalu).
Retards des notifications et annulation de mandats
Il semble alors que les choses soient enfin résolues. Mais les différentes institutions qui ont besoin d’une notification officielle des décisions prises l'attendent pendant des semaines ou des mois. Sous la pression de nombreux acteurs du secteur, la lettre de Ceballos arrive à l'UNMAS le 29 novembre. La lettre d’agrément pour Humanicemos ou - plus important encore - pour ses bailleurs de fonds à l'Union européenne, qui ne peuvent débourser l'argent pour la deuxième phase du projet sans l'approbation officielle du gouvernement, n'est, elle, pas remise avant décembre. La notification ne parvient finalement à la mission de l'UE que le 2 décembre, mettant fin à l'angoisse de Humanicemos qui, trois semaines avant la fin de l'année, ne pouvait payer ni loyer ni salaires. Humanicemos ne recevra sa lettre de renouvellement d'accréditation que le 20 décembre, quatre mois après son approbation, mais l’organisation n'a pas encore reçu la lettre d’agrément de l'UNMAS.
En tout état de cause, l'accréditation de ses démineurs est toujours incertaine. Le ministère des Affaires étrangères - qui a toujours été réticent à l’implication des Nations unies dans le pays - a décidé de ne pas signer de nouveau mandat avec l'UNMAS. Il a alors été décidé qu'une autre agence des Nations unies, le PNUD, serait leur garant. Mais cet accord n'a pas encore été signé...
Ces décisions empêcheront d'autres ONG d'engager d'anciens combattants et diminueront le potentiel du déminage en termes de réinsertion et de réparation des victimes.
Au moins deux conditions annoncées par le bureau du commissaire à la paix au cours des derniers mois montrent que les choses vont continuer à être difficiles pour Humanicemos : L'UNMAS n'a pas été autorisé à certifier les anciens guérilleros formés par Halo Trust, NPA et CCCM, qui devront reprendre leur formation au début ; selon une nouvelle décision prise cette année, il ne sera plus possible pour les anciens guérilleros de travailler comme guides pour d'autres organisations civiles. Les motifs de ces décisions ne sont pas clairs mais, dans la pratique, elles empêcheront d'autres ONG d'engager d'anciens combattants et diminueront le potentiel du déminage en termes de réinsertion et de réparation des victimes.
Occasions perdues
"Comment éviter que les gens perdent leur motivation devant un tel manque de volonté ? Nous nous entraînons depuis près de deux ans", explique Angela Orrego. Son bureau spartiate dispose d'une carte montrant les trois premières zones du département de Caquetá assignées à Humanicemos pour le déminage par le gouvernement précédent. Dans l’attente, ils travaillent sur l'éducation au risque des mines dans les communautés rurales, mais leur objectif est toujours de déminer et de leur remettre des zones déminées.
Du fait de ces retards, Humanicemos a déjà perdu de nombreux anciens FARC enthousiasmés par les perspectives du déminage.
Du fait de ces retards, ils ont déjà perdu de nombreux anciens FARC enthousiasmés par les perspectives du déminage. Sans nouvelle de leur accréditation, la plupart se sont tournés vers d'autres projets, bien qu'il soit difficile d'exclure que certains aient rejoint les groupes dissidents qui ont abandonné l'accord de paix et se sont réarmés.
Au moins une des idées d'Humanicemos s’avère plus difficile à réaliser aujourd'hui, étant donné la dispersion des personnes démobilisées. Ils voulaient organiser un sommet d'anciens experts en explosifs de la guérilla, ce qui leur permettrait de prendre note des pratiques d'installation et de cartographier les méthodes d’une région à l’autre, comme par exemple les endroits où ils utilisaient des arbres, des champs ouverts, des collines ou des bâtiments abandonnés. "Trois ans plus tard, la tâche est difficile. C’était important de ne pas perdre la mémoire de ceux qui savent où se trouvent les champs de mines", précise une personne travaillant pour une ONG de déminage qui estime que la direction des FARC a commis une erreur en ne compilant pas de données sur l'identité de ces experts en explosifs dans chaque groupe de guérilleros. "A l'époque, il y avait une réelle chance que nous rejoignent beaucoup de ceux qui sont aujourd’hui partis. C'est dommage que cette occasion ait été perdue", ajoute M. Orrego.
Un gouvernement qui traîne
La frustration touche également la communauté internationale. "Il n'y a pas de sentiment d'urgence. Comment peuvent-ils envoyer une lettre le 29 pour une décision prise le 7 ?", s’interroge un fonctionnaire de l'aide internationale. Surtout quand cette lettre, que Justice Info a vue, souligne que "les résultats ont été positifs sous tous rapports". "Disons que nous pensions et espérions qu'une décision serait prise des mois plus tôt", appuie un autre diplomate qui estime – à l’instar des autres sources - que cette absence d'urgence montre que le gouvernement colombien ne le considère pas comme un risque sécuritaire.
Cette absence d'urgence montre que le gouvernement colombien ne le considère pas comme un risque sécuritaire.
Le personnel d’Humanicemos estime que l'administration de Duque a ralenti son agrément par crainte que le parti politique créé par l'ancienne guérilla n'utilise le déminage à des fins politiques. "Le gouvernement pense que nous voulons faire de la politique à travers les efforts de déminage. Nous avons démontré à maintes reprises que ce n'est pas le cas, que nous comprenons qu'il s'agit d'un travail humanitaire", déclare Orrego, expliquant que c'est précisément la raison pour laquelle ils ont décidé que l'organisation devrait fonctionner indépendamment du parti des FARC. Le commissaire à la paix Miguel Ceballos et la directrice de l'action contre les mines Martha Hurtado n'ont pas répondu à nos questions sur les retards auxquels Humanicemos est confronté.
Le déminage comme réparation
En Colombie, les mines terrestres ont fait 11 655 victimes directes (sans compter leurs proches) et 2018 a vu les accidents augmenter pour la première fois en six ans. Une grande partie de cette responsabilité incombe aux FARC, qui ont été décrites comme "probablement l'utilisateur de mines antipersonnel le plus prolifique parmi les groupes rebelles du monde entier" par le rapport de l'Observatoire des mines de la Campagne internationale pour l'interdiction des mines terrestres. "L'importance de l'élimination des mines terrestres est de mettre un terme aux pertes en vies humaines. Tant qu'il y aura de nouvelles victimes, cela renverra les gens vers leur propre douleur et non vers la possibilité d'une réconciliation. Il leur sera plus difficile de passer d'émotions négatives à des émotions positives", déclare Reinel Barbosa, qui a fondé le premier réseau national d'associations de victimes de mines terrestres. Pour lui, le déminage doit être considéré comme une action préventive et non comme une action réparatrice.
Selon l'accord de paix, la destruction des mines terrestres est l'un des principaux moyens par lesquels les anciens guérilleros des FARC réparent les victimes, condition sine qua non pour qu'ils reçoivent des sanctions plus clémentes dans le système de justice transitionnelle.
En fait, selon l'accord de paix, la destruction des mines terrestres est l'un des principaux moyens par lesquels les anciens guérilleros des FARC réparent les victimes, condition sine qua non pour qu'ils reçoivent des sanctions plus clémentes dans le système de justice transitionnelle. Le déminage pourrait également devenir l'une des sanctions réparatrices imposées par la Juridiction spéciale pour la paix (JEP) dans le cadre du régime de sanctions qu'elle est en train d'élaborer. En outre, le déminage est souvent une étape préalable nécessaire à d'autres programmes vitaux de développement local tels que l’alternative à la coca ou l’élaboration du cadastre national des propriétaires fonciers dont Duque a fait une priorité.
Or les retards ont eu un effet très important : jusqu'à présent, aucune victime - à l'exception de celles de Briceño et de Mesetas - n'a vu les anciens FARC déminer. Bien que les 8,9 millions de victimes colombiennes aient des attentes très différentes, la réparation est l'une de leurs priorités. "Le déminage est une action à but réparateur. Les actions d'Humanicemos sont un moyen de remplir notre engagement de non-répétition de la violence et de consolidation de la paix locale", affirme Orrego, qui a passé trois décennies au sein des FARC sous le nom de "Yira Castro".
Ces actions réparatrices ne peuvent toutefois être certifiées qu'individuellement, et non collectivement. Cela signifie que seuls ceux qui sont directement sur le terrain à déminer pourront demander aux juges de la JEP de prendre en compte leur travail. Les autres anciens guérilleros qui ne font pas partie d'Humanicemos ou qui n'ont pas participé aux deux projets pilotes ne pourront s’en prévaloir. Cela devrait empêcher, par exemple, d'anciens membres de la direction des FARC d'essayer d'utiliser Humanicemos pour alléger leurs responsabilités devant la justice transitionnelle. Comme le dit un expert en déminage, "les juges ne regarderont pas qui a signé un certificat, mais qui l’a réellement accompli".
Au milieu de ces difficultés, les démineurs nouvellement formés attendent toujours de pouvoir utiliser leurs compétences. "C'est ainsi que nous nous impliquons pour faire de la paix une réalité", explique Orrego. "Nous savions que ce ne serait pas facile, c'est pourquoi nous persistons."