“Lorsque la MINUAR a entrepris sa mission tactique en août 1993, nous ne connaissions que les deux parties qui avaient signé les accords d’Arusha. Mais en novembre, nous avons réalisé qu’une troisième force était à l’œuvre du côté du gouvernement rwandais. Elle comptait faire échouer cet accord, » a expliqué Beardsley.
Il a ensuite ajouté que cette troisième force “était déterminée à discréditer la MINUAR, à couler l’accord de paix. Elle était prête à tuer pour cela.”
Le témoin a expliqué comment la MINUAR était encouragée par un groupe modéré au sein du gouvernement, mais que « le gouvernement était divisé en deux, un côté en faveur de l’accord de paix, l’autre tentant de le torpiller. La MINUAR s’est efforcée d’identifier cette troisième force, qui et où ils étaient, combien d’armes ils avaient,” a-t-il poursuivi.
Me Constant avait posé une question au témoin concernant une lettre en date du 3 décembre 1993 envoyée à la MINUAR par des hauts gradés du FPR, informant la mission d’assistance que le président Habyarimana avait un ‘plan machiavélique’ d’extermination des Belges et des Tutsis.
“Vous avez déclaré ne pas connaître les auteurs des massacres de novembre, alors que la lettre du 3 décembre mentionne Habyarimana. Vous faites maintenant état d’une troisième force, au sein du gouvernement. Vous savez donc qui a tué?,” a demandé Me Constant.
“Habyarimana semblait détaché de la situation. Il ne nous soutenait pas et le FPR nous envoyait des allégations toutes les semaines. Nous ne les avons pas toutes prises au sérieux, » a répondu le témoin.
“ Vous faites état d’un groupe opposé aux accords d’Arusha. Cette information est-elle basée sur une source sérieuse ou sur des oui-dire, » lui a alors demandé Me Constant, faisant allusion au fait que la MINUAR avait porté du crédit à la lettre du 3 décembre.
“Une série d’événements nous ont mené à cette conclusion. Le coup d’Etat au Burundi, la déstabilisation du sud du pays, les déclarations anti-belges à la RTLM et les deux massacres de novembre nous ont fait conclure qu’il existait un groupe déterminé à bloquer l’application des accords d’Arusha, » a expliqué le témoin.
La déposition du major Beardsley, 38ème témoin à charge, se poursuit dans l’après-midi.
Dans ce procès, Bagosora est co-accusé avec l'ancien responsable des opérations militaires à l'Etat major de l'armée, le général de brigade Gratien Kabiligi, l'ancien commandant de la région militaire de Gisenyi (ouest du Rwanda), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, ainsi que l'ancien commandant du bataillon para-commando de Kanombe (Kigali), le major
Aloys Ntabakuze.
Tous quatre plaident non-coupable de charges de génocides et crimes contre l ’humanité.
Le procès se déroule devant la première chambre de première instance du TPIR présidée par le juge norvégien Erik Mose et comprenant en outre les juges russe Serguei Egorov et fidjien Jai Ram Reddy.
CE/SV/GF/FH (ML’0204A)