Khartoum a paraphé avec plusieurs groupes rebelles un accord de paix historique visant à clore le chapitre des conflits qui ont ensanglanté le Soudan pendant près de deux décennies.
Un an après le début des négociations, la signature "définitive" du texte paraphé le 31 août par les dirigeants du Front révolutionnaire du Soudan (FRS) et le gouvernement de transition est prévue le 2 octobre.
La conclusion d'un tel accord était l'une des principales priorités du gouvernement de transition, arrivé au pouvoir après la chute d'Omar el-Béchir en avril 2019.
- Qu'y a-t-il dans l'accord?
Le texte aborde de nombreux enjeux, notamment la justice transitionnelle (ensemble de mesures prises après la chute du régime de Béchir) et la "juste répartition du pouvoir et des richesses".
L'accord sanctuarise la diversité du Soudan, fait du racisme un délit et érige les langues minoritaires en langues officielles, au côté de l'arabe.
Le texte protège aussi la liberté de culte, afin de garantir à la minorité chrétienne et aux adeptes de religions locales les mêmes droits que la majorité de leurs concitoyens de confession musulmane.
Les groupes rebelles appartiennent à des minorités ethniques et religieuses qui ont souffert d'une grande marginalisation sous le régime Béchir.
Créé en 2011, le FRS est une alliance de cinq groupes armés et quatre mouvements politiques. Ils sont issus du Darfour (ouest), région déchirée par la guerre depuis 2003 et des Etats méridionaux du Kordofan-Sud et du Nil Bleu où ils ont pris les armes en 2011, après une trêve de six ans suivant la guerre civile (1983 à 2005).
- Quel partage du pouvoir?
Tout d'abord, les deux parties s'engagent à instaurer un cessez-le-feu total et permanent. Les insurgés seront ensuite intégrés aux forces régulières de l'armée et d'autres organes de sécurité, dans des unités mixtes.
En vertu de l'accord, les rebelles partageront le pouvoir avec Khartoum à tous les niveaux de l'autorité publique. Trois sièges leur ont été accordés au sein de la plus haute autorité du pays, le Conseil souverain, entité civilo-militaire chargée de superviser la transition politique.
Au Parlement -- qui n'a pas encore été élu --, 25% des sièges (sur 300) leur sont réservés.
Les femmes devront constituer 40% des représentants de l'Etat, précise le document.
- Qui sera traduit en justice?
Les chefs des mouvements rebelles et des groupes armés vont bénéficier d'une amnistie. En revanche, les responsables de l'ancien régime devront comparaître devant la justice.
En prison pour corruption depuis décembre 2019, M. Béchir est actuellement jugé aux côtés de plusieurs anciens ministres pour le coup d'Etat de 1989.
L'accord prévoit la formation d'un tribunal spécial dédié aux crimes commis au Darfour, où les combats ont tué 300.000 personnes et provoqué le départ de 2.5 millions d'habitants, selon les Nations unies.
Il insiste sur la nécessité d'une "coopération complète et illimitée" avec la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis des mandats d'arrêts contre l'ex-président et d'autres figures de l'ancien régime pour "génocide" et "crimes contre l'humanité".
En février, le pouvoir de transition a pris l'engagement verbal de favoriser la comparution d'Omar el-Béchir devant la CPI, à une date indéterminée.
- Et les réfugiés?
Chassés par les violences, des millions de Soudanais ont été contraints de s'installer dans des pays limitrophes ou dans des camps de fortune au Soudan.
Leur retour volontaire et la garantie qu'ils jouissent des mêmes droits et libertés que leurs concitoyens occupent une place centrale dans l'accord.
- Quelles chances de succès?
Les experts sont optimistes, bien que plusieurs accords précédents aient échoué.
Mais l'intégration d'anciens insurgés dans les troupes régulières revient souvent à créer des contingents difficiles à dompter. Car instaurer la paix et la confiance après tant d'années de conflits prend du temps.
Aussi, le retour de personnes ayant fui il y a des années est susceptible de faire éclore de nouveaux conflits autour de la propriété des terres. Des affrontements ont ainsi éclaté ces dernières semaines au Darfour.
Cet accord constitue un "progrès très significatif", souligne Jonas Horner, du groupe de réflexion International Crisis Group (ICG).
"Mais il est loin d'être exhaustif et représente seulement une première étape vers la paix. Il reste des obstacles importants à sa mise en oeuvre", dit-il.