Il plaide non coupable.
Entamant sa déposition, l'accusé a indiqué qu'il a essayé de maintenir l'ordre dans sa commune dès le lendemain du décès de l'ancien président Juvénal Habyarimana, le 6 avril 1994, élément déclencheur du génocide anti-tutsi et des massacres D'opposants qui ont fait un million de morts en trois mois.
Gacumbitsi a raconté, jour après jour, comment il a tenté D'éteindre les foyers de tension naissants à divers endroits de son entité administrative couvrant 968 km2 de collines, de vallées et de forêts.
"La commune de Rusumo est très vaste. Il est donc très difficile de contrôler la situation dans toutes ses forêts", a t-il dit.
Vendredi, il s'est arrêté à la date du 14 avril 1994. l'accusation situe l'essentiel de ses allégations au-delà de cette date. Gacumbitsi abordera cette période trouble lundi.
Le plus grand site de massacres dans cette localité est la paroisse catholique de Nyarubuye, où environ vingt mille personnes auraient été tuées pendant le génocide.
l'accusé devenu témoin, a déclaré qu'en raison de son opposition aux "malfaiteurs", il avait été menacé de mort par les "Abarera", populations originaires des montagnes du nord du pays, arrivées à Rusumo en quête de terres.
Gacumbitsi a affirmé que, flairant le danger,"moi aussi J'ai commencé à m'éclipser petit à petit. J'avais peur. J'ai adopté un profil bas".
"Les gens qui n'ont ni foi ni loi, ils peuvent vous zigouiller. Vous mourrez et on vous enterre", a-t-il expliqué.
l'accusé a ajouté que les Abarera avaient été renforcés par les miliciens Interahamwe envoyés par un certain Cyasa, "un extrémiste notoire", a-t-il dit. Cyasa a été condamné à mort par un tribunal de Kibungo dans un procès collectif très médiatisé après avoir plaidé coupable de génocide et de crimes contre l'humanité.
Gacumbitsi était interrogé par son avocat principal, le Camerounais Me Kouengoua[sans prénom]. Il lui a notamment demandé pourquoi il n'avait pris la fuite, lorsqu'il s'est avéré que la situation échappait à son contrôle. "En tant que dirigeant, J'avais une certaine responsabilité. Il fallait rester. Cela aurait causé des troubles encore plus graves dans la commune", a répondu Gacumbitsi.
Sylvestre Gacumbitsi a été nommé maire de Rusumo le 2 août 1983, après vingt ans dans l'enseignement primaire. Son prédécesseur avait été assassiné six mois plus tôt.
"Le fait de devenir bourgmestre [maire] m'a surpris. J'étais en vacances du mois de juillet. Je cultivais mes champs. Quelqu'un m'a apporté une lettre cachetée dans laquelle il était marqué :vous Gacumbitsi, vous devenez bourgmestre de Rusumo. Je suis devenu bourgmestre avec cette lettre du président de la République", se rappelle-t-il.
Gacumbitsi a signalé qu'il se plaisait bien dans sa carrière D'enseignant. "C'est ce que J'ai appris. J'aimais mes élèves et mes élèves m'aimaient. Je n'ai rien fait [pour devenir maire] D'ailleurs, je n'aimais pas la politique".
Issu D'une famille pauvre, orphelin de père dès dix ans, Gacumbitsi n'a pu suivre ses études D'instituteur que grâce à la générosité combinée du curé blanc de Nyarubuye, du directeur des écoles au niveau local et du sous chef tutsi Gaparayi.
Le procès Gacumbitsi se déroule devant la troisième chambre de première instance du TPIR, présidée, dans cette affaire, par la juge sénégalaise Andrésia Vaz et comprenant, en outre, les juges fidjien Jai Ram Reddy et russe Serguei Aleckseievich Egorov.
AT/FH (GA' 1121 A)